Considérations sur le Forum Social Local – version janvier 2005

 

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Cette contribution collective reflète l’état d’une réflexion menée depuis le Forum Social Européen (FSE) de Saint-Denis dans le cadre de rencontres de Forums Sociaux Locaux (FSL), notamment celle de Montreuil/Ivry (30 avril et 1^er mai 2004) et celle du Limousin (10 octobre 2004), organisées au sein d’un réseau de dizaines de FSL qui se développe actuellement en France.

La fonction de cette contribution est de servir de support dans les ateliers d’échange sur les pratiques au sein des FSL qui ont lieu lors de ces rencontres, ce dans l’objectif de travailler ensemble sur notre compréhension et sur les notions clés du processus des forums. Cette contribution est donc un outil pour accélérer et intensifier les échanges sur les pratiques d’usage des FSL, y compris celles de leur facilitation, ainsi que sur la place des FSL (et plus généralement des forums sociaux) dans l’altermondialisme. Un outil pour la construction de notre langage commun. Une tentative de mettre des mots sur des pratiques nouvelles, ce qui peut expliquer redondances ou insistances de certaines considérations, dans la mesure où ces pratiques ont en construction.

L’invention du chemin se faisant en marchant, cette contribution demeure (et demeurera) évolutive (en s’efforçant de rester dans son volume actuel), au fil et ancrée sur l’accumulation de nos pratiques et de notre expérience collective.

Dans l’esprit « forum social », pluriel, cette contribution se présente sous forme d’un vrac classé « au mieux » de « considérations » ; cette forme permet de faire aisément coexister dans un même texte les mots émergeant de nos pratiques respectives.

Nous invitons ceux/celles partageant cette démarche et la vision développée dans ces considérations à participer à leur processus d’élaboration.

 

Principes généraux du FSL

C1 : le FSL se développe dans le respect de la charte de Porto Alegre.

C2 : le FSL, en tant qu’espace, est le lieu d’événements publics se produisant à date donnée et dont la finalité est le débat le plus ouvert et le plus pluriel possible ; le FSL est pérenne (l’évènement qu’est le forum est périodique).

C3 : le FSL, en tant qu’espace-temps, développe un processus permanent qui construit le FSL en tant qu’espace ; il permet de décloisonner les débats et pratiques des organisations et personnes participantes, de créer un réseau, propice aux connexions les plus inattendues.

Lorsqu’il est appelé sans qualificatif particulier, le terme « FSL » désigne indistinctement le FSL en tant que cet espace public construit à une date donnée (C2) et le FSL en tant que cet espace-temps, i.e. le processus de construction de l’espace et le réseau ainsi constitué (C3).

 

Fonctions et types d’activités au sein du FSL

C4 : le FSL tend à mettre en lumière les effets de la mondialisation, l’élargissement et l’approfondissement des pratiques citoyennes propres à chacun(e).

C5 : le FSL est une caisse de résonance pour les objectifs et actions des organisations participantes (associations, syndicats, SEL, etc.), ainsi que pour les luttes locales.

C6 : le FSL est un lieu d’inclusion des personnes qui ne se reconnaissent pas nécessairement dans les organisations, ce dans le respect de leur diversité, en termes de motivations, d’envie, de façons de faire.

C7 : le FSL est un lieu d’exercice du respect de la pluralité des organisations participantes (et de la diversité de leurs structures (multiples cultures militantes)), des personnes, des expériences, des préoccupations de chacun(e).

C8 : le FSL permet d’élargir le cadre des réflexions et pratiques militantes de tout un chacun, de dépasser le catégoriel ; cet élargissement s’opère « naturellement » par connexions thématiques horizontales (du local au local), et par connexions thématiques verticales (du local au global).

C9 : le FSL permet le déroulement d’activités à caractère d’information, de formation, d’échange d’expérience, d’échange et d’élaboration de propositions d’action et d’éléments d’alternative pour vivre autrement.

C10 : l’activité des participants au FSL produit une expertise commune, à partir des vécus, connaissances et pratiques du terrain.

C11 : les activités de facilitation, quant à elles, visent la construction et le développement du FSL.

C12 : le FSL ne peut - en tant qu’espace - produire en son nom de déclaration finale (la richesse des débats fait par contre objet de publication, dans le respect strict de la diversité exprimée dans ces débats). Le FSL ne peut - en tant qu’espace-temps - produire en son nom de prise de position publique en dehors de celles touchant à la facilitation du forum.

C13 : le FSL est un lieu d’évolution des personnes participantes et, par leur intermédiaire, des autres membres des organisations auxquels ces personnes participent.

C14 : la participation à titre individuel de militants de partis politiques au FSL n’est en rien proscrite. Elle est souhaitable car susceptible de favoriser la prise en compte ultérieure des préoccupations, propositions et façons de voir et d’agir du mouvement social dans les pratiques et les programmes des partis.

 

Le FSL dans le mouvement altermondialiste

C15 : le FSL, terreau pour changer le monde, est un lieu d’incubation et d’impulsion d’actions, de projets (grains de sable plutôt que programmes), de nouvelles associations, de nouveaux collectifs pour développer les actions collectives dans le champ social local (ces actions peuvent être de lutte, de mise en œuvre d’alternatives concrètes, d’éducation populaire).

C16 :les actions et/ou entités émergentes des activités du FSL ne portent pas le label FSL. Alors que l’action se situe dans la pression sur le pouvoir, le contre‑pouvoir, l’« alter-pouvoir » ou « auto-pouvoir » (commerce équitable, SEL etc.), le FSL est un lieu d’« a‑pouvoir », un lieu où les participants neutralisent consciemment les logiques de pouvoir personnel ou d’organisation.

C17 : la forme de visibilité du FSL sur la place publique est celle de la mise en débat et non celle de l’affirmation d’un quelconque programme.

 

Fonctionnement du FSL

C18 : tout thème proposé dans le respect de la Charte de Porto Alegre a sa place au sein du FSL. Il n’y a pas de thème fédérateur ou principal à rechercher. Nul n’a le droit de dire qu’un thème est plus important qu’un autre (in fine, il apparaît toujours que les différents thèmes sont liés). Les thèmes « marginaux » ou émergents sont aussi légitimes que les thèmes « classiques ».

C19 : le fonctionnement concret du FSL est l’affaire de tous les participants ; ceux-ci peuvent s’investir dans toute responsabilité qu’ils souhaitent exercer ; toute activité ayant cours au sein du FSL est assumée par ceux qui l’organisent et ceux qui y participent à travers la mise en place de groupes de travail ; le FSL peut ainsi prétendre être auto‑organisé.

C20 : l’organisation des activités au sein du FSL espace est décidée lors des assemblées générales des participants à la construction et l’entretien du FSL. Les décisions à prendre portent sur le recueil des initiatives d’activité, les actions d’élargissement social permettant d’assurer une participation maximale, la stimulation des articulations entre les activités, la prise en compte des contraintes logistiques et la communication sur les événements.

C21 : ce processus de décision prend en compte le temps nécessaire à l’établissement du consensus. L’expérience montre que la position émergeant du processus inclusif de consensus est plus riche et productif, autant par la qualité de la décision prise que par ses effets sur les personnes (écoute, respect, préservation de l’unité).

C22 : pour préparer et mettre en œuvre les décisions, un collectif de facilitation se met en place ; le collectif de facilitation n’a pas un rôle directif ; tous ceux et toutes celles qui le souhaitent peuvent être facilitateur ou facilitatrice.

 

Mise en réseau des FSL

C23 : la mise en réseau des FSL s’effectue par la mise en place d’un forum de FSLs, plus exactement de participants à des FSL, à la fois - à l’instar du FSL - en tant qu’espace (rencontre de participants à des FSL, sans délégation, laquelle serait contraire à la charte de Porto Alegre), et en tant qu’espace-temps avec un collectif de facilitation ouvert à tout participant (individuel) d’un FSL qui souhaite l’intégrer.

C24 : le premier objectif de la mise en réseau des FSL (en tant qu’espace-temps comme en tant qu’espace) est de faciliter l’échange d’idées et le partage d’expérience entre participants, sans aucune imposition d’aucune sorte.

C25 : le deuxième objectif de la mise en réseau des FSL est de permettre d’articuler - sur l’unique base du volontariat de leurs porteurs - des activités au sein de différents FSL lorsque cela a un sens selon un critère territorial (ex : l’eau sur un même bassin versant) ou thématique (ex : logement dans les grandes villes, démocratie participative), etc..

C26 : le troisième objectif de la mise en réseau des FSL est la mutualisation de moyens et d’outils en vue de faciliter leurs activités et d’étendre le processus d’émergence et d’affermissement des FSL.

C27 : la mise en réseau des FSL peut notamment s’appuyer sur un site de facilitation animé par des groupes de participants au réseau. Ce site est conçu en tant que forum espace‑temps virtuel (recueil des activités et collaboration à distance dans le respect des principes énoncés dans ces considérations).

C28 : le quatrième objectif de la mise en réseau des FSL est de préparer en commun (sur la base du volontariat) les forums d’échelles plus larges (FSE, FSM, FSMed, etc.), ce au nom de collectifs d’organisations locales et au nom de collectifs de facilitation de FSL (dans ce dernier cas, le champ est alors restreint à l’échange d‘expérience sur les pratiques de fonctionnement et d’expansion du processus Forum Social).

 

FSL et forums sociaux d’échelles plus larges

C29 : le forum de FSL est un facteur de visibilité et d’articulation entre participants (personnes, organisations locales) de forums sociaux. Il est un vecteur permettant de faire remonter et imprégner les forums sociaux d’échelles plus larges des préoccupations, pratiques et formes d’expression du « local » ; « local » qui est aussi de l’universel. Du local au global.

C30 : inversement, le forum de FSL est un vecteur de perception/traduction/diffusion collective permettant d’enrichir l’échelle locale des réflexions et propositions effectuées aux échelles plus larges. Du global au local.

C31 : le forum de FSL est un vecteur permettant de proposer et de préparer la tenue, au sein des forums d’échelles plus larges, d’activités résultant de l’articulation d’activités auto‑organisées au sein de divers FSL. Les résultats de ces articulations peuvent s’insérer et enrichir des ateliers et des séminaires des forums d’échelles plus larges ou bien donner lieu à de nouveaux ateliers ou séminaires.

C32 : bâti sur le mode « du local au global », à partir des vécus et expériences de ceux qui subissent le plus durement la mondialisation libérale, les FSL enrichissent ainsi les forums d’échelle plus larges (qui sinon restent sur le mode dominant de l’expertise « du global au local »).

C33 : la mise en réseau des FSL doit ainsi être un vecteur permettant la modification de la sociologie des forums d’échelles plus larges : un axe stratégique pour l’enracinement et l’expansion du processus éminemment novateur pour les Mouvements Sociaux qu’est le Forum Social.

 

Saint Denis, le 6 Mars 2005,

Hernan ALMEIDA-LEROUX, Jean Michel COULOMB, Pierre GEORGE, Adjera LAKEHAL, Jane NOPPE, Celina WHITAKER (Collectif FFSL).