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last modified April 21, 2013 by facilitfsm


Forum Social Mondial: espace ou mouvement ? Une reflexion sur l'avenir du Conseil International du FSM dans des nouvelles perspectives.

Malgré son radicalisme, je considère cette proposition raisonnable. J'espère alors qu’elle puisse mériter l'attention du Groupe de Travail sur l'avenir du CI. Chico

Sommaire

La création et l'évolution du CI 2

Décisions prises par le CI 3

Que faire ? Une proposition radicale. 4

Caractéristiques du nouveau mouvement. 6

 

 

Le Forum Social Mondial est un espace ou un mouvement ? L’option pour un FSM-espace,  sous-jacente aux principes de sa Charte, a été discutée chaque fois plus clairement au fur et à mesure que les Forums se succédaient et s’est mis en place le « processus FSM », qui comprend la réalisation, dans le monde entier, des Foruns Sociaux ouverts ou thématiques à plusieurs niveaux.

On peut peut-être dire aujourd'hui que cette option a prévalu : les Forums Sociaux sont vus généralement comme des « espaces ouverts » de rencontre horizontale - sans dirigeants ni porte-paroles ou hierarchies – des mouvements et organisations de la société civile qui visent, de façon autonome par rapport aux partis politiques et aux gouvernements, le depassement du néolibéralisme.

L'invention de ces « espaces » vise à créer des conditions pour que ces mouvements et organisations puissent, par des activités organisées par eux-mêmes, se reconnaitre mutuellement,  et échanger des analyses et des expériences, en respectant leur diversité, de même qu’identifier des convergences et construire librement de nouvelles alliances et articulations, pour lancer des nouvelles luttes pour la construction d’« un autre monde possible ».

Le caractère non-directif des Forums Sociaux, à son tour, s’est affirmé aussi par la non adoption de déclarations finales « uniques » de l’ensemble de ses participants - ayant la pretention d’unifier dans quelques mots d’ordre l’extrème diversité et heterogeneité de leurs luttes - tout en ouvrant la possibilité d’autant des « déclarations » que les pariticipants des Foruns décident de faire, pour bien marquer leurs propres engagements.

C'est en fait une nouvelle culture politique, dont la construction est en cours en devenant peu à peu un autre objectif spécifique des «espaces» FSM.

Mais dix ans ont passé. Beaucoup de nouveaux mouvements ou de réseaux d'organisations ont surgi á partir des Forums sociaux. Les données de la réalité économique, sociale et politique du monde actuel augmentent la pression pour construire de plus en plus de «mouvements» et même un mouvement de dimension mondiale, qui puisse rendre plus efficace la lutte pour « un autre monde ». Quelques « Forums sociaux », bien que structurés horizontalement avec des activités auto-organisées, ne résistent pas à la pression pour formuler des déclarations finales comme s'ils étaient des mouvements.

D’autre part, d’importantes mobilisations de la société civile on vu le jour dans le monde entier, ces dernières années, qui adoptent également l'horizontalité comme principe organisationnel et l'autonomie par rapport aux partis et aux gouvernements. Mais, malgré le fait que les Forums Sociaux sont des « espaces » qui appartiennent aussi à eux, puisqu'ils sont des mouvements de la société civile, les organisateurs des Forums ne trouvent pas la façon de les intégrer à ces «espaces».

Donc, sans remettre en cause l'utilité et même la nécessité absolue de créer de plus en plus d’ «espaces ouverts» de rencontre non-directive de la société civile, avec les objectifs énoncés ci-dessus, il est peut le cas de reprendre la discussion espace-mouvement en prennant en compte toutes ces données.

La discussion sur l'avenir du Conseil International du FSM nous donne alors l'occasion de le faire.

La création et l'évolution du CI

Le CI a été créé après le premier FSM, à l'initiative de ses organisateurs brésiliens, pour que le processus mondial qui avait été lancé fusse pris en charge par des mouvements et organisations du monde entier et non seulement du Brésil.

Initialement constitué des représentants d'environ 50 mouvements et organisations de différents pays et secteurs de la société civile, ce nombre a augmenté, jusqu'à ce que nous arrivions aux quelques plus ou moins 150 actuels.

Cependant son rôle dans le processus FSM n'a jamais été très clair. En tant qu’instance qui ne « dirige » pas les comités d'organisation de chaque Forum mais se situe au-dessus d'eux, le CI a une ambiguïté qui crée une tension permanente en ce qui concerne la non directivité du processus.

Au long de ces dix années, le CI a cherché à clarifier son identité, sa mission et sa façon de fonctionner. Mais jusqu’à ce jour il n'a pas trouvé des réponses satisfaisantes et son fonctionnement a été toujours précaire. Après trois ans se réunissant en séances plénières, avec un nombre de personnes qui rendait dificile le débat (chaque membre venait à disposer seulement de quelques minutes pour parler et presque une seule fois), il s’est structuré en commissions. Au début elles travaillaient, des unes plus, des autres moins. Mais aujourd'hui, à moins d'une ou autre situation, elles sont presque inopérantes.

Le FSM a compté au début avec un secrétariat, fonction remplie par le Comité d'organisation brésilien, qui a realisé le premier FSM. Le Secrétariat appuyait egalement le fonctionnment du CI, en préparant ses réunions et en se chargeant aussi du site du FSM. Un peu plus tard ces fonctions ont été transférées à un Groupe de Liaison International, qui comptait avec un bureau d’appui à São Paulo. Mais à la dernière réunion du CI, à Monastir, ce Groupe de Liaison a été pratiquement dissous. Et un groupe de travail spécial a eté créé, avec ceux de ses membres qui avaint encore un mandat et d’autres membres du CI qui se sont portés volontaires, pour remplir la seule fonction qui restait au Groupe, celle de préparer l'agenda du prochain CI.

Décisions prises par le CI

En effet, dernièrement la seule décision importante qu’était prise par le CI, outre l'acceptation presque bureaucratique des nouveaux membres (préparée par la Commission d’Expansion), est celle relative au lieu de realisation du FSM suivant. Mais cette décision finit par être un simple aval donné par le CI à une décision construite au cours des années précédentes (dans laquelle remplit également un rôle la Commissin d'expansion du CI), et qui dépend beaucoup plus de l'existence d'organisations et de mouvements que posent leur candidature à réaliser un FSM dans leur pays.

En ce qui concerne la Méthodologie – la dimension qui mieux caractérise la nouveauté du FSM - la Commission qui considère ce sujet et qui a absorbé (à tort à mon avis) celle du Contenu, a à peine quelque chose à dire mainenant: le CI a approuvé lors de sa réunion de Copenhague (en septembre 2008) un Guide assez complet de l'organisation des forums, qui presente des détails et des complements aux principes de la Charte avec des indications pratiques. Il est encore peu utilisé, et à cause de cela il  y en a des Forums Sociaux qui ont encore des « coordinateurs » au lieu de "facilitateurs" - et d’autres même des "Présidents" et des "déclarations finales", en passant au dessus de la Charte des principes...

Il y a évidemment toujours des innovations méthodologiques introduites à chaque Forum Mondial, à partir de l'expérience précédente. Mais qui décide en fait sur ces innovations n'est pas la Commission de Méthodologie du CI mais les organisateurs locaux eux-mêmes, avec une aide plus ou moins importantes des membres de cette Commision. Ce sont ces organisateurs aussi qui décident ou non d'adopter également un thème plus général pour caractériser chaque Forum, mais cela dépend en fait de ce que ses participants inscrivent comme activité.

La Commission de Communication a essayé de remplir un rôle dans une comprehesion non consensuele de sa fonction, et l’approfondissement de la question n’a eu lieu à cause de la façon peu precise dont le CI a pris des decisions sur les ressources à allouer à chaque Commission.

La Commission de Ressources, à son tour, initialement composé aussi de représentants des organisations qui diposent des fonds pour financer le FSM, s’est également vidée peu à peu, les organisateurs de chaque Forum se lançant eux-m~emes dans la recherche des fonds nécessaires pour le realiser, avec plus ou moins d'aide des membres du CI ayant des conditions pour cela.

Étant donné que, théoriquement, le CI ne peut pas laisser de coté, dans ses décisions, les changements survenus dans la conjoncture mondiale, sa Commission de stratégie s'est chargée de préparer des analyses politiques sur cette question. Ces analyses sont completées, lorsque les réunions du CI ont lieu à l'occasion de forums, avec des présentations sur la situation du pays ou de la région où ils sont réalisés.

Mais en fait ces analyses – et les eventuels debats qu’elles declenchent - finissent par se réduire à une opportunité de mettre à jour la vision politique des membres du CI, puisqu’il n'a pas à définir une stratégie à lui meme au-delà de celle qui permettra l’expansion du processus FSM, pour atteindre tous les coins de la planète avec le message « un autre monde est possible » (ou, comme nous le disons aujourd'hui, "nécessaire et urgent").

Dans ce processus vécu par le CI toutefois quelque chose d'important a été obtenu, en ce qui concerne la construction d'une nouvelle culture politique : l'adoption du principe de la prise de décisions par consensus, ce qui permet de construire l'union dans respect de la diversité, condition nécessaire pour que la société civile – diversifiée et fragmentée, de par sa nature même – puisse gagner la force politique qu’elle peut avoir en tant que nouvel acteur politique. Une union qui, soit dit en passant, la gauche en général doit chercher à construire, si elle veut affronter efficacement le géant du néolibéralisme.

Mais le CI est en fait une instance lourde du processus: on ne voit clairement à quoi servent ses réunions, mais il ne peut pas ne pas se réunir; et ses réunions sont coûteuses pour les organisations des pays hôtes et pour que ses propres membres puissent venir, quand elles sont réalisées à des dates indépendantes de celles des forums. Il est presque devenu un « éléphant blanc ». Et le pire : moribond...

En effet, à cause de celles-ci et aussi d'autres raisons, liées à l'évolution du processus FSM et des activités de ses participants, de nombreux membres du CI n'assistent plus à toutes ses réunions. Il y a une tendance à sa burocratisation, et à ce que les participants à ses réunions ne soient plus les animateurs ou les dirigeants des mouvements et organisations, mais ses fonctionnaires.

On peut donc dire, en conclusion, que le CI est maintenant en pleine crise : il est significatif le fait que, dans sa dernière réunion, à Monastir, qui a été particulièrement difficile, il a créé, consensuellement, un Groupe de Travail sur son futur; et ce Groupe, à son tour, connaît des difficultés pour mener à bien sa tâche.

Que faire ? Une proposition radicale

J'ose penser qu'il est temps de faire un « changement  copernicien » du CI, comme celui que nous avons fait à Miami quand on l’a structuré en Commissions.

En fait, les nombreux membres du CI qui ont participé plus activement à ses réunions sont diversifiés et peuvent diverger sur des nombreux sujets, mais ils constituent ce que nous pourrions appeler un groupe d'affinité, tous plus ou moins convaincus de ce que le processus FSM est utile dans la lutte pour le depassement du néolibéralisme. Plus encore : ils sont unis par une amitié, respectueuse des différences et même plaisante, construite dans la longue série de réunions du CI - ce qui peut se produire également dans l'action politique, lorsqu'elle cherche un monde nouveau...

À ce groupe peuvent être agrégés les personnes qui ont participé à l'organisation des FSM déjà réalisés, et même des FS régionaux ou nationaux. Le CI a même déjà décidé de réaliser (à Santiago de Compostela, transféré plus tard à Bruxelles) une rencontre de ces personnes, pour faire une évaluation de la méthodologie et d’autres aspects du processus FSM. Mais également comme un signe des difficultés actuelles du CI, cette réunion ne s'est jamais realisée.

Donc, ce que j’aimerais proposer est radical: à notre prochaine réunion à l'occasion du FSM de Tunis, en mars 2013, décider de dissoudre le CI, une fois qu'il a déjà accompli les fonctions qu’il pourrait accomplir et parce que, dans le processus FSM, les Forums régionaux et thématiques se multiplient déjà sans avoir besoin du CI ;  et les Forums Mondiaux  n’ont besoin que d'une instance donnant l’aval pour la réalisation du suivant dans le meilleur endroit au point de vue politique et ayant les meilleures conditions pour sa réalisation.

Il s’agit certainement d’une décision difficile, tout comme la suppression des traitements d'un malade en phase terminale. Mais elle a du sens si, à la place du CI, nous créons un "Nouveau Mouvement" (qui pourrait s'appeler, par exemple, "Action pour un autre monde possible"...).

Nous rendrions nos hommages à ce CI qui disparaîtrait, en remerciant à tous ses membres de tout le bien qu'ils ont fait pour le processus du FSM au long de ces dix années, et en les demandant de participar au Nouveau Mouvement. Et nous ouvririons l'espace pour les nouvelles générations, qui arrivent avec beaucoup de force et le zèle de ne pas héberger, dans ses initiatives, aucune trace de verticalisme, qui guettait le CI, on l’aime ou pas, derrière sa propre fonction dans le processus.

Avec cette proposition je reviens donc à la question espace-mouvement, sans la considérer cependant comme une alternative  ou espace ou mouvement – dans laquelle l’une élimine l'autre : d'un coté les « espaces » FSM disparaîtraient s’il devient un mouvement ; de l'autre, comme beaucoup en pensent, nous n’aurions pas de l'efficacité dans l’action transformatrice si nous nous atteignions à seulement créer des «espaces» d'échange et de convergence.

Je re-pose la question en des termes de relation de complémentarité – espace et mouvement – dans laquellle les parts ne se mélangent pas ni se dissoudent pas les unes dans les autres ; elles restent intacts, chacune avec sa dynamique et sa fonction mais en s'alimentant mutuellement: nous continuerions à créer (et multiplier) des « espaces », comme un outil important dans la lutte pour le dépassement du néolibéralisme, en même temps que nous aurions un « mouvement » qui déterminerait ses propres stratégies de lutte et ses actions spécifiques afin que ce dépassement soit effectif.

La relation plus direct entre les deux (espaces et mouvement) serait concrétisée par une Assemblée générale, ouverte, du Nouveau Mouvement, avec deux parties : l’une avant et l’autre après chaque Forum Social Mondial. Dans sa première partie (avant les Forums) l'utilité des analyses politiques gagneraient du plein sens et utilité, pour permettre à ses militants de prendre en compte, dans les discussions qu’ils tiendraient au cours du Forum, la réalité politique, sociale et économique du monde (la presentation et discussion de ces analyses, qui seraient donc une activité du Mouvement, pourraient même être accompagnées par les participants du Forum l’ayant souhaité). Et dans sa deuxième partie (après les forums), l'Assemblée examinerait les possibilités de réalisation du FSM suivant et donnerait son aval - actuellement donné par CI - à la décision prise.

Mais attention : cette Assemblée ne se confondrait ni se melangerait avec les activités du FSM en réalisation, avec ses propres dynamiques et ses assemblées de convergence. Il serait même très important, en laissant cette distinction très claire, pour éviter les malentendus qui peuvent être créés : le Forum est le Forum et le Mouvement est le Mouvement.

Les participants à l’Assemblée seraient donc les militants du Mouvement et non tous les participants du Forum, même si ceux-ci peuvent venir pour l’accompagner. Cela rétirerait de la dynamique du Forum la tension pour la réalisation d’une « Assemblée des Assemblées », à son final, avec la pression pour que dans cette Assemblée soit presentée une « Déclaration Finale » du FSM. Parce que les actions découlant des propositions discutées lors du Forum, presentées à ses assemblées de convergence, seraient assumées par les organisations qui l’auraient proposées, l’ « espace » du FSM ayant ainsi terminé son rôle. Et le Nouveau Mouvement pourrait même les intégrer à sa propre stratégie, si c'était le cas, lorsqu’il la définirait, en formulant ou non ses propries « Declarations » - ce qu’il pourrait faire, si ses militants le considéreraient possible et souhaitable, après la fin du FSM ou même à une date posterieure.

Caractéristiques du nouveau mouvement

J’appele ce mouvement comme Nouveau parce qu'il faudrait qu’il soit nécessairement d’un type nouveau, en cohérence avec la nouvelle culture politique construite dans les Forums Sociaux : structuré en réseau, horizontalement, comme les nouveaux mouvements qui surgissent un peu partout, mais avec une portée mondiale ; en prennant des décisions par consensus, dans les instances organisatives créés pour des initiatives spécifiques ; en comptant avec des militants mais sans la désignation de dirigeants ou de porte-paroles ; en dialogant avec les partis politiques et les gouvernements mais en maintenant son autonomie par rapport à eux. Ces caractéristiques lui permettraient d'intégrer plus facilement les nouveaux mouvements sociaux mentionnées ci-dessus.

Les militants de ce Nouveau Mouvement, parallèlement aux initiatives prises par eux visant des objectifs spécifiques, auraient aussi, comme l'un de ses objectifs permanents, celui de multiplier la création d’ « espaces ouverts » à tous les niveaux. Tout cela pourrait être explicité dans une Charte des Principes du Nouveau Mouvement. De même son structure pourrait prévoir la constitution de Groupes de Travail spécifiques liés à cet objectif, pour accompagner par exemple la methodologie des Foruns Sociaux ou son expansion, ou même le contenu des assemblées de convergence des Forums Sociaux . Ou alors pour préparer les analyses de conjoncture à présenter dans ses assemblées biennales.

Bien que nécessairement horizontal, il pourrait disposer des « bureaux d’appui » reliés entre eux, créés dans différents pays, chargés de faciliter une intercommunication permanente entre ses militants.

Il pourrait créer son propre site Web et autres instruments d’intercommunciation horizontale immédiate, permettant maintenir un système consultatif permanent de leurs militants, au sujet de décisions intéressant à tous.

Il pourrait aussi chercher des ressources spécifiquement pour son fonctionnement, avec des contributions de ses militants repandus par le monde et des campagnes financières que l'internet rend aujourd'hui possibles. Ces ressources pourraient être gérées sur une base également décentralisée, à partir des « bureau d'appui » reliés entre eux et avec des règles et mécanismes préalablement établis - moins passibles de la création de centres de pouvoir - avec des projets spécifiques soumis à la consultation, le site en assurant une transparence totale dans l’utilisation des ressources.

Chico Whitaker, 6 décembre 2012