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Tunisie : Déni de racisme ou banalisation ?

from CHERBIB on Mar 23, 2014 02:05 PM
http://nawaat.org/portail/2014/03/21/tunisie-deni-de-racisme-ou-banalisation/
Tunisie : Déni de racisme ou banalisation ?
Society <http://nawaat.org/portail/categories/articles/society/> Yassine
Bellamine <http://nawaat.org/portail/author/yassine-bellamine/> › Mar 21,
14 › 3 comments<http://nawaat.org/portail/2014/03/21/tunisie-deni-de-racisme-ou-banalisation/#comments>
[image: racisme-tunisie]

Après trois siècles d’abolition de l’esclavage, à la suite du décret
beylical promulgué un 23 janvier
1846<http://www.e-justice.tn/fileadmin/images/repertoire_musee/husseinite_avant_protec/Decret_1846_fr.pdf>,
le racisme n’a pas disparu de notre société.
Cet immense « tabou » pour la plupart des Tunisiens, continue à faire des
victimes, parfois dans l’indifférence la plus totale. Les violences ont
toujours existé, sauf qu’elles peinent à être médiatisées même après la
révolution, la faute à une absence de responsabilité quasi-collective.
Entre l’agression d’étudiants
subsahariens<http://observers.france24.com/fr/content/20130501-tunisie-attaque-immeuble-etudiants-africains-police-noir-racisme-lafayette>
en
mai dernier et les insultes racistes d’une
enseignante<http://www.arabesque.tn/ar/actualite/%D8%A7%D9%84%D8%B2%D9%87%D8%B1%D8%A7%D8%A1-%D8%A7%D8%AD%D8%A7%D9%84%D8%A9-50-%D8%AA%D9%84%D9%85%D9%8A%D8%B0%D8%A7-%D8%B9%D9%84%D9%89-%D9%85%D8%AC%D9%84%D8%B3-%D8%A7%D9%84%D8%AA%D8%A3%D8%AF%D9%8A%D8%A8-%D8%A8%D8%B3%D8%A8%D8%A8-%D9%83%D8%AA%D8%A7%D8%A8%D8%AA%D9%87%D9%85-%D9%84%D8%B4%D8%B9%D8%A7%D8%B1%D8%A7%D8%AA-%D8%B6%D8%AF-%D8%A7%D9%84%D8%B9%D9%86%D8%B5%D8%B1%D9%8A%D8%A9-%D8%B9%D9%84%D9%89-%D9%88%D8%B1%D9%82%D8%A9-%D8%A7%D9%84%D8%A7%D9%85%D8%AA%D8%AD%D8%A7%D9%86?id=11563>
à
l’encontre d’un de ses élèves au Lycée Ibn Rachik d’Ezzahra le traitant
« d’esclave », le déni de racisme en Tunisie est plus que jamais
d’actualité.

L’absence de statistiques prouve à lui seul le silence entourant le racisme
en Tunisie. L’Institut National des Statistiques admet ne pas avoir de
chiffres concrets, mais estime à 10% le nombre de Tunisiens noirs. Maha
Abdelhamid co-fondatrice de l’Association de Défense du Droit des Noirs
(ADAM) dans un entretien accordé à
RFI<http://www.rfi.fr/afrique/20130505-tunisie-maha-abdelahmid-association-defense-droits-noirs/)>
l’estime
à plus de 15%.

Par ailleurs l’Association Tunisienne de Soutien des
Minorités<https://www.facebook.com/A.Tn.S.M?fref=ts> (ATSM)
, par le biais de leur chargée de communication, Mme Ghayda Thabet, ainsi
que l’Association M’nemty HEDUCAP <https://www.facebook.com/Mnemty> à
travers Mme Sâadia Mosbah ont acceptés de nous donner une vision globale
sur ce fléau.

L’absence d’attention de la société et la difficulté de quantifier de tels
actes sont pointées du doigt. Il n’y a pas de recensement effectué. Seuls
les cas parvenant aux associations peuvent être traités, ce qui ne permet
pas de mesurer réellement l’étendue de ce fléau nous explique Mme Ghayda
Thabet (ATSM).

Pour Mme Saadia Mosbah, la banalisation est aussi un frein à cette
quantification :

Comment peut-on en avoir ? Les agressions verbales sont journalières et
font partie du langage du Tunisien au quotidien, quant aux insultes, il
faut le prouver et la police banalise les agressions physiques, à caractère
raciste, qui ne font presque jamais l’objet d’un procès. Les informations
ne sont pas classées, le silence des lois tunisiennes, la banalisation, la
non-reconnaissance de l’existence de la discrimination font que vous ne
trouverez rien. Le mot clé étant le DENI.

Afin d’éveiller la conscience collective, ces associations mènent plusieurs
actions.

L’ATSM vise à promouvoir la culture de la coexistence. Elle souhaite par
ses actions sensibiliser le maximum de la population à devenir des citoyens
actifs dans la lutte contre le racisme et la discrimination.

Nous avons organisé plusieurs journées de débat avec des spécialistes, des
historiens, des sociologues pour mieux comprendre le racisme et ses impacts
sur la société et avons produit un
SPOT<https://www.youtube.com/watch?v=Zo7jkF09_0I> qui
a fait le tour des médias à l’occasion du 168éme anniversaire de
l’abolition de l’esclavage en Tunisie. Heureusement, nous ne sommes pas
seuls à combattre ce fléau, nous collaborons avec d’autres associations et
on se soutient mutuellement, car nous œuvrons dans le cadre des droits de
l’Homme en fin de compte.

Les objectifs de M’nemty et ses actions s’articulent autour de 5 axes
principaux : Education, Sensibilisation, Dénonciation, Développement et
Valorisation.

En plus du travail de terrain qui nous amène à nous déplacer
essentiellement dans le sud du pays, pour établir un état des lieux, une
base de données et un programme adapté aux besoins essentiels de nos
congénères dans un premier temps. Nous sommes sollicités par des écoles
primaires pour expliquer aux enfants, qui nous sommes et les sensibiliser
sur les différents problèmes liés à la discrimination de couleur et aux
différents types de différentiations.
Notre message est : Vivons nos différences et notre singularité dans le
RESPECT, la PAIX, L’AMOUR et la NON-VIOLENCE

Les agents de socialisation primaire que sont la famille et l’école ont
leur rôle à jouer pour éradiquer le racisme en Tunisie, mais ils ne sont
pas seuls responsables. Si les institutions éducatives doivent être
repensées, “une éducation citoyenne” toute entière est à revoir pour Mme
Saadia Mosbah. Pour Mme Ghayda Thabet, non seulement les institutions
éducatives doivent jouer un rôle primordial, mais l’ensemble des acteurs
sociaux doit apporter leurs pierres à l’édifice, notamment les
organisations professionnelles.

L’absence d’une législation sanctionnant les actes à caractères racistes
est un frein important au développement d’une conscience collective contre
le racisme. En effet, malgré la ratification de la convention
internationale sur l’élimination de toute forme de discrimination raciale,
la nouvelle Constitution tunisienne ne prévoit pas un cadre général de
protection contre le racisme. Pire encore, il n’existe aujourd’hui aucune
disposition pénale et civile propre sanctionnant les actes racistes. Mme
Ghayda Thabet précise :

Il est indispensable de sanctionner les actes racistes. Par actes racistes,
il faut comprendre les actes physiques, mais aussi verbaux. Le vocabulaire
raciste utilisé dans le quotidien des Tunisiens (à travers des termes tels
que « Kahlouch » ou « Oussif ») touche à la dignité et l’intégrité physique
et morale de la partie lésée. D’ailleurs l’une des recommandations de notre
association est de pénaliser toute forme de racisme.

Pour Mme Saadia Mosbah, le racisme est avant tout une construction
intellectuelle.

On ne naît pas raciste, on le devient. Avant de pénaliser il serait
peut-être plus intéressant de trouver un moyen de désinstaller, de
désapprendre (cette construction intellectuelle) et les lois viendront
ensuite pour renforcer et protéger.

A ce niveau se pose la question de l’interpellation des partis politiques à
ce sujet dont la question ne semble pas être prioritaire. En l’absence d’un
vis-à-vis légitiment élu, il est difficile de faire réellement bouger les
choses. Les questions économiques étant pour le moment la priorité de
plusieurs partis politiques, la question du racisme passe en dernier plan.
C’est ce que nous explique Mme Ghayda Thabet pour qui la question du
racisme « ne représente pas un dossier exploitable pour gagner des
élections ».

Pour Mme Saadia Mosbah, le problème n’incombe pas seulement aux partis
politiques.

Nos partis politiques ne supportent pas seuls l’échec, la société civile
entière en porte la responsabilité. Les associations si peu nombreuses et
bien jeunes ne peuvent faire face aux politiques qui eux ne cherchent que
les forces électorales puissantes et déjà en place, que feraient-ils de ce
qu’ils appellent les minorités ?

Face aux embûches rencontrées dans ce combat, l’optimisme est tout de même
de mise pour l’association M’nemty :

Constat d’échec oui, mais le combat continu avec le législateur si l’on
devait regarder le côté plein du verre.

La constitution est là, et garantit dans son préambule «…la suprématie de
la loi, les libertés et les DROITS DE L’HOMME ». De plus, l’article 21 dit
clairement : « les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en
devoirs, ils sont égaux devant la loi sans DISCRIMINATION. »

Positivons et demandons au législateur de spécifier dans les textes de loi
chaque type de discrimination.
Dans notre ligne d’action, nous aimerions que le mot « racisme »
disparaisse graduellement du langage usuel. Une seule race « HUMAINE » une
et indivisible, œuvrons plutôt pour que nos différences soient des sources
de richesse.

Depuis Janvier 2011, plusieurs associations portent l’étendard d‘une
Tunisie pluriethnique et débarrassée d’un racisme invisible, mais palpable.
Dans ce cadre, « la marche pour l’égalité » et contre le
racisme<https://www.facebook.com/events/1467616996800300/1477867759108557/?notif_t=plan_mall_activity>
est
organisée du 18 au 21 mars.

On rappellera, en l’occurrence, que le 21 mars correspond à la journée
internationale pour l’élimination de la discrimination raciale.

Cette marche qui ira de Djerba jusqu’à Tunis en passant par Gabes et Sfax
se veut une marche pacifique pour que la lutte pour la dignité inclue la
lutte contre la marginalisation et la discrimination des Tunisiens noirs. A
l’initiative de Maha Abdelhamid, ancienne membre de l’Association ADAM pour
l’égalité et le
développement<https://nawaat.org/portail/2012/06/30/noirs-tunisiens-honte-noire-et-deni-blanc/>,
cette marche a pour but de sensibiliser le plus grand monde sur ce fléau, à
l’instar de ce qui a été fait en France lors de la marche pour l’égalité et
contre le racisme en
1983<http://www.liberation.fr/societe/2013/12/02/la-marche-pour-l-egalite-et-la-france-pour-horizon_963619>,
qui a réuni plus de 100 000 personnes à Paris, et est parvenu à infléchir
les autorités de l’époque vers l’établissement de lois pénalisant les
crimes racistes. Espérons qu’elle trouve le même écho en Tunisie.
-- 
CHERBIB Mouhieddine
0615577914


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