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Pourquoi je voterai contre Marzouki

from CHERBIB on Dec 18, 2014 06:33 AM
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17

décembre

2014

à 20:39


[image: Marzouki-Ben-Ali-Banniere]

*Moncef Marzouki a montré qu'il n'est pas un homme d'État capable d'unir le
pays, de relever les défis de la sécurité et du développement et d'asseoir
des institutions démocratiques.*

Par *Mouhieddine Cherbib**

Je dois préciser d'abord que Mohamed Moncef Marzouki (MMM) a longtemps été
pour moi un compagnon de lutte et un ami. Je fais partie des gens qui l'ont
soutenu et aidé durant les années de lutte contre le système Ben Ali.

J'étais à un certain moment parmi *«les visiteurs de Carthage»* –
notamment, pour la préparation du Forum social mondial à Tunis en 2013 –,
et je pensais sincèrement que le nouveau président allait changer
radicalement la manière de présider, qu'il allait faire ce qu'il pouvait
pour promouvoir les droits humains, la liberté d'expression contre la
nouvelle raison d'État que l'on voyait poindre du côté de la Kasbah.


*[image: Marzouki-a-Msaken-avec-Bechir-Ben-Hassen]*

*Marzouki fait participer le prédicateur extrémiste Béchir Ben Hassen à sa
campagne électorale.*

*«Où va-t-il ? Où nous emmène-t-il?»*

Je l'ai félicité le jour de sa désignation, par l'Assemblée nationale
constituante (ANC), président de la République. Quel symbole, me disais-je!
Un des nos militants des droits humains s'assoit à la place de Bourguiba,
leader du mouvement de libération nationale, et de l'usurpateur Ben Ali!

Bien sûr, je connaissais son inconstance, ses foucades: un jour il est
contre toute forme de présidence, un autre le voilà candidat à la
magistrature suprême, depuis l'aéroport... Une fois il est pour le
collectif du 18-Octobre, une autre, il le voue aux gémonies... Un jour il
dit renoncer à l'action politique, un autre il se présente comme le
légitime dépositaire de tout le patrimoine de cinquante ans d'opposition à
Bourguiba et à Ben Ali...

A mesure que Marzouki s'installait à Carthage et y prenait ses aises, on
commençait à rire jaune et à se dire: *«Où va-t-il ? Où nous emmène-t-il?»*

Parce que *«le printemps de Carthage»* que nous attendions s'est très vite
dissipé, laissant la place à un microclimat un peu ubuesque, et à une cour
grouillant d'intrigues et de ressentiments.

Car présider c'est savoir s'entourer de conseillers et d'experts. Marzouki
disposait d'un budget trop conséquent pour s'en priver. Et on a vu ce «*grand
laïc*» s'entourer d'islamistes en rupture de parti dont la haine pour les
démocrates est un secret de polichinelle. Je suis bien placé pour le savoir.

On les a vus accueillir les prédicateurs les plus fanatiques avec les
honneurs dus à des hommes d'État. On les a vus tenter de saborder les
efforts de l'UGTT pour organiser le Dialogue national. On les a vus
s'opposer aux avancées démocratiques dans l'élaboration de la Constitution.
On les a vus désigner à la vindicte publique les journalistes et les
intellectuels...

Carthage en aura vu défiler des conseillers. Les plus sérieux ont
démissionné, très vite ou de guerre lasse: les Hédi Ben Abbes, Aziz Krichen
et bien d'autres... Ne sont restés que les opportunistes et les flatteurs.
Ceux-là même qui ont commis le ''*Livre noir'*', ou plutôt cette tache
noire visant à salir toute une profession. Ceux qui se répandent dans les
médias et les réseaux sociaux pour défendre une révolution dont ils veulent
capter l'héritage alors qu'ils n'y ont jamais cru. Entouré de ces apprentis
sorciers, «le père» Marzouki s'est transfiguré jusqu'à ressembler au père
Aristide**. Sauf qu'il n'a pas les moyens de devenir un dictateur comme son
alter ego haïtien.
Les fascistes au palais de Carthage

La tentation populiste de MMM, on la devinait. Mais on ne pouvait imaginer
l'ampleur de la dérive. Voilà un homme qui se présente aux médias français
comme *«un laïc de gauche»*, chef de file de la «*gauche sociale*»
(dernière trouvaille de campagne) et comme l'artisan de cette alchimie si
caractéristique de la révolution tunisienne: l'alliance miraculeuse entre
les *«islamistes modérés»* et les *«sécularistes modérés»*. Alors que le
parti dont il est le fondateur et dont il est toujours le président
d'honneur, est dirigé par les islamistes les plus durs. Entre un Imed Daïmi
et un Nejib Chebbi, qui est modéré et qui est fanatique? Entre un Samir Ben
Amor et un Hamma Hammami, qui représente la gauche sociale?

[image: marzouki al thani 14 3]

*Sous son règne, la diplomatie tunisienne a été réduite à une prosternation
devant l'émirat du Qatar.*

Sous le règne «*laïc*» de MMM, le palais présidentiel est devenu une
véritable cour des miracles où se promènent les fascistes de toutes les
couleurs: les pires prédicateurs, y compris les zélateurs d'Al-Qaïda qui
s'en vont répéter que «*celui qui délaisse la prière mérite la mort»*. On
était pourtant averti, dès le discours d'investiture, lorsque MMM, ce
défenseur des droits des femmes, s'est posé en protecteur du niqab. Et plus
tard, en un clin d'œil appuyé aux pires salafistes, lorsqu'il a plaidé la
cause des jeunes femmes niqabées et leur droit d'accès aux salles
d'examens, contre l'avis de toute la société civile démocratique, de
l'institution universitaire et du tribunal administratif.

Que dire aujourd'hui lorsque des «*takfiristes*» notoires le rejoignent :
qui sur une tribune dans la ville de Msaken, qui au cœur de la Grande
Mosquée Zitouna, pour soutenir sa campagne?

Que dire des groupuscules fascisants des Ligues de protection de la
révolution (LPR), qui hier assiégeaient la télé pour terroriser les
journalistes et suivaient les démocrates à la trace pour les empêcher de
tenir meeting dans les différents gouvernorats, les menaçant de lynchage et
passant à l'acte à l'occasion (l'affaire Nagdh). Composés de fanatiques et
de petites frappes, les délégations des LPR étaient reçues hier à Carthage
avec les honneurs, ils animent aujourd'hui la campagne du candidat
Marzouki, développant la même rhétorique de haine et de lynchage.

Certes, MMM est soutenu par d'autres forces et d'autres figures dont
personne ne peut contester l'engagement démocratique. Mais le fait qu'il
laisse ses encombrants soutiens mener campagne en son nom disqualifie
définitivement l'ancien président de la LTDH qu'il a été. Car les LPR et
les imams fanatiques sont l'exacte négation de la cause des droits de
l'Homme.

MMM n'hésite pas, entre deux envolées contre «le retour de l'ancien
régime», de ressortir sa casquette de défenseur des droits de l'Homme,
alors que Jabeur Mejri, objet d'un verdict *«saoudien»* (7 ans de prison
pour une caricature du Prophète Mohamed publié sur Facebook) a dû attendre
plus de deux ans pour que l'hôte de Carthage, après moult promesses non
tenues aux ONG nationales et internationales et à la famille, se décide à
le gracier, non sans avoir au préalable consulté *«les autorités
religieuses»* (sic). Et qui ne se souvient de l'affaire de Baghdadi
Mahmoudi, l'ancien Premier ministre libyen livré à ses bourreaux par le
gouvernement Jebali, montée en épingle pour illustrer le souci présidentiel
des droits de l'Homme, et dont on ne connaît pas le fin mot.

Alors trop c'est trop!

Faut-il ajouter l'improvisation et l'incroyable amateurisme, pour ne pas
dire plus, en matière de politique étrangère: la rupture avec la Syrie dans
les conditions que l'on sait, les partis-pris en Libye, les rodomontades
contre d'autres partenaires maghrébins... Une seule constante :
l'allégeance au Qatar, dont on vante les dirigeants (si peu démocrates mais
tellement généreux) et les médias auxquels MMM réserve la primeur de ses
cogitations (bonjour la symbolique nationale) et y prédit à ses opposants
la potence d'une deuxième révolution.

[image: marzouki lpr 10 22 2]

*Marzouki invite les milices violentes des LPR au Palais de Carthage.*

*Un populiste inconstant et incendiaire*

Mais le faux-pas ultime, pour ne pas dire la forfaiture de cette campagne
en forme de fin de règne tapageur, reste d'avoir laissé certains pyromanes
qui animent sa propagande électorale souffler sur les braises de la
divisons du pays et alimenter la haine des Tunisiens contre les Tunisiens
faisant feu de tout bois et exploitant telle ou telle maladresse du
candidat adverse.

S'agissant de Béji Caïd Essebsi, je m'étais longtemps juré de ne pas voter
pour lui (voir ma position que j'ai publiée, avant le premier tour des
élections présidentielles). D'abord parce qu'il a longtemps fait partie
(pas toujours il est vrai, l'homme est complexe) d'un régime que j'ai
combattu avec beaucoup d'autres, ma vie durant.
Béji Caïd Essebsi (BCE) est un conservateur, alors que je me considère
comme un homme de gauche. Mais parlons clair: je préfère un conservateur
identifié que je pourrai combattre à un acteur politique non identifiable,
un populiste inconstant dont la parole incendiaire peut allumer la haine à
tout moment.

On l'aura compris: la rhétorique selon laquelle «on ne choisit pas entre la
peste et le choléra», que j'ai un moment partagée, ne me convainc plus. Je
fais mienne l'attitude de Adnane Hajji et d'autres amis: il faut d'abord
neutraliser le pire, pour la suite on est déjà paré pour le combat.

Je peux comprendre qu'on puisse voter ou défendre Marzouki. Des
militant(e)s reconnu(e)s ont pu faire ce choix dont certains de mes amis
comme Ayachi Hammami, Charfeddine El-Kellil, ou Khalil Zaouia... Je tiens
ici à condamner les attaques parfois odieuses dont ils font l'objet. Comme
je condamne les groupes d'excités qui perturbent les meetings de MMM à coup
de *«Dégage»* très peu démocratiques.

Je précise également que les campagnes contre les dépenses supposées
somptuaires de Carthage sont pour le moins dérisoires. A ce jeu-là, il
n'est pas sûr que les adversaires de Marzouki soient en reste.

Moncef Marzouki a montré qu'il n'est pas un homme d'État capable d'unir le
pays, de relever les défis en matière de sécurité, de développement social
et économique et d'asseoir des institutions démocratiques.

Moncef Marzouki n'est pas Néron. Et demain le pays retrouvera son unité,
mais il aura contribué à raviver les ferments du régionalisme et du
tribalisme. Rien que pour cela il est à jamais discrédité à mes yeux.***

** Militant des droits humains.*

*** Le Père Jean Bertrand Aristide, ancien président de la République
d'Haïti.*

**** Ce texte est une réponse aux amis-es, en France et en Tunisie, qui se
demandent pourquoi j'ai fait circuler et signer, il y a une semaine, la
pétition «Les Démocrates et progressistes tunisiens à l'étranger: contre le
candidat de la haine et de la division... ».*

-- 
CHERBIB Mouhieddine
00 33 6 50 52 04 16


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