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Migrants : et si ouvrir les frontièresgénérait de la richesse ?

from CHERBIB on Jun 27, 2015 12:09 PM
http://www.lemonde.fr/festival/article/2015/06/25/et-si-on-ouvrait-les-frontieres_4661969_4415198.html


Migrants : et si ouvrir les frontières générait de la richesse ?Idées

LE MONDE CULTURE ET IDEES | 25.06.2015 à 15h49 • Mis à jour le 26.06.2015 à
10h53 | Par Maryline Baumard
<http://www.lemonde.fr/journaliste/maryline-baumard/> (pour le supplément
"Culture & idées")
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   des Garibaldiens tombés pour la France
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http://s2.lemde.fr/image/2015/06/25/534x0/4661966_6_ad15_a-vintimille-italie-pres-de-la-frontiere_5a267e83b1cc123763c4fbe812875c8c.jpg
[image: A Vintimille (Italie), près de la frontière française.]A Vintimille
(Italie), près de la frontière française.Imaginez que tous les pays ouvrent
en même temps leurs frontières et autorisent la libre circulation des
individus sur leur territoire. Que se passerait-il dans l’immédiat ? Au
bout de vingt-cinq ans ? Hier considérée comme une utopie, cette question
est devenue un véritable objet d’étude. Et les scientifiques commencent à y
apporter
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/apporter/> des
réponses, qui n’ont pas grand-chose à voir
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/voir/> avec les
timides mesures prises face à la crise migratoire au sujet de laquelle l’
Europe <http://www.lemonde.fr/europe/> se déchire. Le sujet, pourtant,
reste dans le secret des laboratoires. Il en sera ainsi tant que les
gouvernants construiront leur ­politique
<http://www.lemonde.fr/politique/> dans
ce domaine en se laissant guider
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/guider/> par
l’opinion publique plutôt que par les résultats scientifiques.1 500 morts
depuis janvier

En attendant cet hypothétique virage, l’escalade continue. Depuis janvier,
plus de 100 000 personnes sont arrivées sur les côtes grecques et
italiennes, et plus de 1 500 sont mortes au cours de la traversée. Les
migrants, de plus en plus, mettent leur vie en danger pour profiter
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/profiter/> de
l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,
censée garantir
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/deuxieme-groupe/garantir/> le
droit à *« toute personne* (…) *de quitter
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/quitter/> tout
pays, y compris le sien ».* Les frontières, elles, sont toujours plus
hermétiquement protégées. A l’entrée de l’Europe comme sur les autres
continents, des murs s’érigent ici et là. Et cette course sécuritaire, qui
a déjà coûté, selon le consortium de journalistes européen The Migrants
Files <https://www.detective.io/detective/the-migrants-files/>,
1,6 milliard d’euros aux contribuables du ­continent depuis 2000, ne donne
aucun ­signe d’essoufflement.

Pour sortir
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/sortir/> de
cette *« incapacité où nous sommes actuellement d’imaginer un monde
<http://www.lemonde.fr/afrique-monde/> où l’on circule librement, sans
visas et même sans passeports, comme c’était la norme avant 1914 », *la
juriste Idil Atak (université Ryerson, Canada
<http://www.lemonde.fr/canada/>) et la politologue Speranta Dumitru
(université Paris <http://www.lemonde.fr/paris/>-Descartes) ont fait de
cette possible ouverture des frontières le thème du dernier numéro de la
revue *Ethique publique*. Un autre groupe de recherche, baptisé Mobglob
<http://www.sciencespo.fr/mobglob/> (pour « Mobilité globale et gouvernance
des migrations »), s’est constitué autour de politologues, de sociologues,
d’un géographe et d’un ­anthropologue pour creuser
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/creuser/> le
sujet. Cette ­dizaine de cerveaux du CNRS, de l’Ecole des hautes études en
sciences sociales (EHESS) ou de Sciences <http://www.lemonde.fr/sciences/> Po
conjuguent leurs approches pour reprendre
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/reprendre/> sur
d’autres bases un débat qu’ils estiment mal posé.

*« Quelles seraient les conséquences immédiates et à vingt-cinq ans d’une
mise en place mondiale de la libre circulation ? », s*e demande à voix
haute Hélène Thiollet. Cette chercheuse du CNRS, associée à l’Institut
international <http://www.lemonde.fr/international/> des migrations
d’Oxford, coordonne Mobglob avec la politologue Catherine Wihtol de Wenden,
directrice de recherche au CNRS et docteur en sciences politiques.
Idées fausses

Référence universitaire sur les flux migratoires, cette dernière avait
publié, dès 1999, un petit ouvrage intitulé *Faut-il ouvrir
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/ouvrir/> les
frontières ?*(Presses de Science Po). Le texte ne fut pas un succès de
librairie, mais il ouvrit la porte à une réflexion que les chercheurs
Antoine Pécoud et Paul de Guchteneire prolongèrent en 2009 avec *Migrations
sans frontières. Essais sur la libre circulation des personnes *(Editions
Unesco). Une thèse sur laquelle une petite partie du landerneau de la
pensée juge désormais contre-productif de faire
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/faire/> l’impasse,
à l’heure où la mondialisation permet aux marchandises et aux capitaux une
liberté qu’elle refuse aux hommes.
« L’opinion croit encore que les immigrés coûtent cher. Ces mensonges ne
sont jamais contredits par les politiques »
Catherine Wihtol de Wenden, politologue

*« On vit sur des idées <http://www.lemonde.fr/idees/> fausses*, affirme
Catherine Wihtol de Wenden*. L’opinion croit encore que les migrants
vont prendre
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/prendre/> le
travail des Français, que les immigrés coûtent cher. Ces mensonges ne sont
jamais contredits par les politiques. Tétanisée par la montée de l’extrême
droite, la classe politique <http://www.lemonde.fr/afrique-politique/> ne
veut pas ouvrir le débat. Pire, elle ajuste son discours et son action sur
l’opinion publique, ce qui rend nos solutions aussi décalées
qu’inadaptées. »* Même discours de la part de Hein de Haas, codirecteur de
l’Institut international des migrations (IMI) et professeur ­associé à
Oxford, qui rappelle régulièrement que *« les Etats ont perdu leurs moyens
d’agir efficacement sur les flux de migrants mais veulent continuer
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/continuer/> à
faire croire
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/croire/> qu’ils
maîtrisent les migrations ».*

image:
http://s1.lemde.fr/image/2015/06/25/534x0/4661967_6_1509_a-vintimille-italie-pres-de-la-frontiere_d8fb16653d86910b9dc85700bee36e2e.jpg
[image: A Vintimille (Italie), près de la frontière française, le 20 juin.]A
Vintimille (Italie), près de la frontière française, le 20 juin.

Dans son laboratoire de Sciences Po, Hélène Thiollet observe les flux
migratoires comme un objet scientifique. Sur ses
<http://www.lemonde.fr/bourse/nyse-euronext-paris-equities/ses/> ordinateurs,
elle faitvarier
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/varier/> toute
une série de paramètres pour suivre
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/suivre/> les
mouvements depopulation <http://www.lemonde.fr/demographie/> dans
différents cas de figure. *« Les sciences dures, *explique-t-elle,* nous
ont habitués aux projections. Nous sommes aujourd’hui capables
de construire
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/construire/> des
modèles montrant des évolutions à dix, vingt ou trente ans. C’est vrai pour
la démographie ou pour la température des océans. Notre groupe, lui,
propose de réaliser
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/r%C3%A9aliser/> ce
même travail sur les migrations. Nous observons donc ce qui se passerait
juste après la mise en place d’une ­libre circulation mondiale, et ce qu’on
peut attendre
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/attendre/>au
bout de vingt-cinq ans. Nous allons écrire
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/%C3%A9crire/> des
scénarios possibles en fonction de la variation d’une multitude de
paramètres allant des évolutions du marché du travail aux lois sociales. »*
« Dans tous les cas de figure, une ouverture globale des frontières ne
conduirait pas à une explosion des arrivées en ­Europe »
François Gemenne, politologue

Partant de cette base de travail, Mob­glob est déjà arrivé à une série de
conclusions d’étape, que le politologue François Gemenne a accepté de
partager
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/partager/> avec *Le
Monde. « S’il est trop tôt pour donner
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/donner/> une
fourchette précise, nous observons que, dans tous les cas de figure, une
ouverture globale des frontières ne conduirait pas à une explosion des
arrivées en Europe*, affirme ce chercheur en science politique à
l’université de Liège (Cedem) et à l’université de
Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (Cearc).* Aujourd’hui, les migrants
représentent 3,2 % de la population mondiale. A la fin du XIXe siècle, au
lendemain de la révolution industrielle, ce taux était de 10 %. Or
<http://www.lemonde.fr/bourse/forex-data-lite/gold-united-states-dollar/> aucun
de nos scénarios ne tend vers ces 10 %. Ni à un an ni à vingt-cinq ans. »*

Lire aussi : Migrations : tirer les leçons du passé
<http://www.lemonde.fr/festival/article/2015/06/25/migrations-tirer-les-lecons-du-passe_4661925_4415198.html>

Pour parvenir
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/parvenir/> à
ces premières conclusions et construire des modèles robustes, des terrains
d’étude précis ont été scrutés. Les universitaires ont focalisé leur
­regard sur six couples de pays : soit des duos entre lesquels s’est déjà
écrite une histoire <http://www.lemonde.fr/histoire/> de l’immigration,
comme le couple franco-marocain ; soit des tandems entre lesquels peut
s’écrire un scénario à venir
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/venir/>, comme
la Chine et le Japon <http://www.lemonde.fr/japon/>. L’évolution de la
démographie japonaise est un des paramètres qui feront fluctuer
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/fluctuer/> le
nombre d’arrivées de Chinois, au même titre
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/titre/> que les
politiques menées en Chine <http://www.lemonde.fr/chine/>. L’abandon ou non
du passeport intérieur comme l’arrêt total
<http://www.lemonde.fr/bourse/nyse-euronext-paris-equities/total/> – ou le
maintien partiel – de la politique de l’enfant unique changent la nature et
l’importance des flux de sortie.

De même, Mobglob prédit les variations du taux de départ de diplômés
­indiens vers les Emirats arabes unis en fonction de la manière dont ces
petits Etats négocient le virage de l’après-pétrole
<http://www.lemonde.fr/petrole/>, mais aussi du taux de croissance que
connaîtra l’Inde <http://www.lemonde.fr/inde/>. Les regards du géographe,
de l’anthropologue, du sociologue et des politologues se croisent sans
cesse dans la construction des schémas, pour n’oublier aucun paramètre
majeur.
« Nouveaux nomades »

*« La libre circulation change les flux,* ­estime Hélène Thiollet. *Il ne
faut pas s’attendre à des invasions dans les zones ­actuelles
d’immigration, comme on serait tenté de le faire a priori, car d’autres
­logiques se mettent en place. »* L’ouverture des frontières fait naître
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/na%C3%AEtre/> de
« nouveaux nomades ». *« Comme ils pourraient aisément aller
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/aller/> et
venir, les migrants s’installeraient moins volontiers de ­manière
définitive dans un pays tiers. Dans certaines zones, il se dessinerait même
une migration pendulaire faite d’allers-retours réguliers »*, observe la
chercheuse. Ce pourrait être
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/auxiliaire/%C3%AAtre/>par
exemple des travailleurs saisonniers venant chaque année d’un pays voisin.

Où iraient-ils, ces migrants sans frontières ? A l’heure actuelle, notre
continent reste globalement la destination la plus prisée, avec une très
légère avance sur l’Asie. Selon les chiffres 2013 de l’ONU, sur les
232 millions de personnes qui ­vivent ailleurs que dans leur pays de
naissance, 72 millions sont installées en Europe, 71 millions en Asie et
53 millions en Amérique du Nord ; 81,9 millions de ces nomades modernes
sont passés d’un pays du Sud à un pays du Nord ; 82,3 sont restés en zone
sud en changeant d’Etat ; 53,7 millions ont migré à l’intérieur de la zone
nord et 13,7 millions sont passés du Nord au Sud.

Or, une fois les frontières tombées, les mouvements à l’intérieur d’une
région pourraient s’accentuer : un nombre plus important d’Africains
s’installeraient dans un autre pays d’Afrique
<http://www.lemonde.fr/afrique/> que le leur, de même pour les Asiatiques
en Asie. *« Dans certains cas de figure, on remarque même une augmentation
de 50 % des flux régionaux un an après notre théorique ouverture des
frontières »*, ­précise Antoine Pécoud, lui aussi associé à Mobglob.
Entre les mains des passeurs

Changer de continent reste en effet une épreuve humaine et financière très
lourde. Elle arrive souvent en bout de chaîne, lorsque le migrant a épuisé
­toutes les tentatives de s’installer dans un pays voisin du sien. Ce qui
se passe déjà au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de
l’Ouest (Cedeao) illustre parfaitement cette ­réalité : la Côte d’Ivoire
compte déjà 2,5 millions de travailleurs venus des pays voisins. En Europe
aussi, cela se passe ainsi. *« L’ouverture des frontières européennes
depuis 1995 a créé une circulation intrarégionale accrue et des migrations
de moins longue durée »,* constate François Gemenne.
« Rendre les passages d’un pays à l’autre plus ­poreux ou plus contrôlés ne
change rien à la décision de partir »
Bertrand Badie, politologue

Tournés vers l’avenir, ces travaux permettent également de mieuxcomprendre
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/comprendre/> les
facteurs qui président au départ. *« Une chose est claire, que les
politiques ne semblent pas avoir
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/auxiliaire/avoir/> intégrée :
une migration se joue bien ailleurs que sur une frontière,* rappelle le
politologue Bertrand Badie, chercheur au Centre
<http://www.lemonde.fr/centre/> d’études et de ­recherches internationales
(CERI). *Rendre les passages d’un pays à l’autre plus ­poreux ou plus
contrôlés ne change rien à la décision de partir
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/partir/>. Cela
modifie en ­revanche le choix d’une trajectoire, cela fait prendre plus de
risques et augmente le coût *– *financier et humain *–* du voyage
<http://www.lemonde.fr/m-voyage/> en obligeant à semettre
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/mettre/> entre
les mains de passeurs*, ajoute-t-il. *La continuité des flux, même
lorsqu’on construit des murs ou qu’on surmilitarise une zone, en est la
preuve la plus manifeste. En fait, les véritables déterminants d’un départ
sont d’ordre structurel. La décision de migrer
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/migrer/> est
prise en fonction de facteurs économiques, sociaux, et dans une moindre
­mesure politiques. »*

La possibilité de mieux gagner
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/gagner/> sa vie
ailleurs à l’étranger est évidemment le déterminant central. Mais tout le
monde <http://www.lemonde.fr/le-monde/> ne rêve pas pour autant des trois
premières puissances mondiales. *« Ce n’est pas la richesse d’un pays dans
l’absolu qui va conduire
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/conduire/> au
départ, mais le différentiel qui existe entre le niveau de vie de son pays
d’origine et celui de son lieu de destination », *poursuit Bertrand Badie.
Ce qui explique la migration interrégionale. A ce critère économique,
primordial, viennent s’ajouter des déterminants sociaux, comme l’accès aisé
ou non à l’éducation et à la santé et la présence d’une diaspora.

Problème : le travail a beau être rondement mené, les projections solides,
ce discours universitaire ne franchit pas le seuil des cénacles politiques.
La migration est même un des secteurs où les gouvernants écoutent le moins
la recherche. *« Nos politiques ont trente ans de retard. Ils pensent
toujours comme si nous étions dans un monde westphalien, encore défini par
le poids des Etats. Or la planète <http://www.lemonde.fr/planete/> a
changé, et nous sommes de plain-pied dans l’ère de la mondialisation »*,
précise Bertrand Badie qui, sans appartenir
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/appartenir/> au
groupe Mobglob, en partage les analyses <http://www.lemonde.fr/analyses/>.
Décalage

Ce politologue n’est pas le seul à trouver
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/trouver/> trop
grand le décalage entre la sphère politique et la recherche. Agacés comme
lui par cette déperdition d’intelligence, convaincus que l’heure d’avancer
est ­venue, les organisateurs des Reclusiennes
<http://refuznik.fr/divers/reclus/?p=1082>, entretiens annuels du 8 au 12
juillet à Sainte-Foy-la-Grande (Gironde), consacrent leurs journées au
thème des migrations. Le monde universitaire rêve bel et bien de contaminer
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/contaminer/> la
sphère politique, laquelle brandit comme un repoussoir l’aspect radical de
l’approche. Tailleur bleu marine dans son bureau du 6e arrondissement, la
papesse du sujet, Catherine Wihtol de Wenden, sourit doucement à l’idée
qu’elle et ses collègues ­seraient d’affreux gauchistes.

image:
http://s1.lemde.fr/image/2015/06/25/534x0/4661965_6_02df_manifestation-en-soutien-aux-migrants-samedi-20_fee655fffae0bef331bd0892935b0cdf.jpg
[image: Manifestation en soutien aux migrants samedi 20 juin, à Vintimille
(Italie).]Manifestation en soutien aux migrants samedi 20 juin, à
Vintimille (Italie).

Certes, l’ouverture des frontières est le cheval de bataille du réseau No
border <http://www.noborder.org/>, groupe hétéroclite et transnational de
collectifs et de militants libertaires. Mais ils ne sont pas les seuls à
défendre
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/d%C3%A9fendre/>
cette
idée. Globalement, le monde associatif n’y est pas hostile. Ainsi le Groupe
d’intervention et de soutien aux immigrés (Gisti)
<http://www.gisti.org/spip.php?page=sommaire>, auquel contribuent nombre de
juristes, réfléchit au sujet en arrière-plan depuis des années. Il en va de
même de l’Organisation pour une citoyenneté universelle (OCU)
<http://www.o-c-u.org/fr/>, avec une approche plus planétaire. Composée
d’Emmaüs International, de la Fondation Danièle-Mitterrand et d’Utopia,
cette association a réuni un séminaire fin mai, à Paris, pour discuter
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/discuter/> des
avancées enregistrées sur les cinq continents. L’Amérique latine y était
largement représentée. Car des pays y progressent dans ce sens, au moins
sous l’angle d’une circulation interrégionale.

*« L’Equateur <http://www.lemonde.fr/equateur/> ou la Bolivie
<http://www.lemonde.fr/bolivie/> ont davantage travaillé que nous et ont
commencé à penser
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/penser/> sérieusement
la libre circulation »*, précise Franck Pupunat, fondateur d’Utopia. Si le
positionnement à gauche de ces mouvements ne fait aucun doute, le principe
de la libre circulation des hommes a aussi largement droit de cité dans le
courant libéral. Il intéresse même de très près nombre d’économistes.
Michael Clemens, du cercle de réflexion Center for Global Development,
observait
en 2011 dans le Journal of Economic Perspectives
<http://pubs.aeaweb.org/doi/pdfplus/10.1257/jep.25.3.83> qu’*« une
ouverture totale des frontières augmenterait considérablement le produit
intérieur brut mondial ».* Avis partagé par le plus emblématique des
économistes de la migration, George Borjas, professeur à Harvard, pour
qui *« le
monde serait bien plus riche en l’absence de frontières nationales
interférant avec la libre circulation des biens et des personnes ».*
« Certains scénarios montrent que les société
<http://www.lemonde.fr/societe/>s, d’ici à vingt-cinq ans, pourraient
renforcer
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/renforcer/>les
inégalités entre citoyens et migrants »
Hélène Thiollet, politologue

Bien sûr, dans le grand domino international où le déplacement d’un élément
en bouscule une série d’autres, l’entrée dans une ère de libre circulation
ne ­résoudrait pas tous les problèmes. Un tel changement risquerait même
fort d’avoir des conséquences sur l’organisation interne des différents
pays. *« Si le spectre de l’envahissement est écarté, certains scénarios
montrent que les sociétés, d’ici à vingt-cinq ans, pourraient renforcer les
inégalités entre citoyens et migrants, voire créer
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/cr%C3%A9er/>une
citoyenneté à deux vitesses pour restreindre
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/restreindre/>
l’accès
à certains droits pour les nouveaux arrivants »*, analyse la politologue
Hélène Thiollet. Comme si, symboliquement effacées, les frontières se
reconstruisaient ailleurs. C’est d’ailleurs le modèle politique déjà en
­vigueur dans les pays du Golfe, où les ­immigrants représentent entre un
tiers et plus de 80 % de la population locale.
« Castes » d’immigrés

Si le Qatar <http://www.lemonde.fr/qatar/> ou les Emirats arabes unis­
­acceptent des ouvriers venus de pays tiers, *« l’accès aux droits
économiques, sociaux et politiques pour les travailleurs étrangers et leurs
familles est limité et très hiérarchique : il recrée des “castes”
d’immigrés, privilégiant par exemple l’immigré qualifié blanc », *rappelle
Hélène Thiollet, qui s’est longuement penchée sur les pays du Golfe. Recréer
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/recr%C3%A9er/> ces
hiérarchies internes a comme un air de déjà-entendu, puisque c’est à
l’heure actuelle la tentation des partis xénophobes européens avec leur
concept de « préférence nationale ». Pour la politologue, la mise en
question interne et internationale des politiques migratoires des pays du
Golfe montre néanmoins que cette dérive n’est pas inévitable. D’autant
moins, précise-t-elle, que *« sur le temps long, les politiques les plus
inégalitaires ne sont pas tenables. Et pas seulement pour des raisons
politiques ou éthiques »*. Le facteur économique est parfois un moteur plus
puissant que les droits de l’homme.

image:
http://s2.lemde.fr/image/2015/06/25/534x0/4661968_6_ff8b_migrants-a-vintimille-italie-samedi-20-juin_2843125ffdd90a0ef16fb2cd93f4d377.jpg
[image: Migrants à Vintimille (Italie), samedi 20 juin.]Migrants à
Vintimille (Italie), samedi 20 juin.

Il n’empêche : l’ouverture des frontières a du mal à trouver sa place dans
la sphère politique française. Le sujet fait partie des « impensables », et
reste donc « impensé ». A quelques exceptions près, comme l’illustre le
politologue Thomas Guénolé, capable de l’intégrer de façon décomplexée dans
son argumentaire. Aux yeux de ce professeur à Sciences Po, *« l’ouverture
totale des frontières est possible dès demain, à condition d’accepter
l’idée d’une priorité nationale dans l’accès à l’emploi
<http://www.lemonde.fr/emploi/> ».*
La pression de l’opinion

*« Cela semble difficile à entendre
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/entendre/>, *
ajoute-t-il, *et pourtant c’est déjà ce qui se fait pour l’immigration
économique. Un étranger extracommunautaire qui veut venir travailler
légalement en France peut aujourd’hui obtenir
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/troisieme-groupe/obtenir/> un
visa de travail si le patron qui veut l’employer prouve d’abord qu’il ne
trouve pas la main-d’œuvre adéquate enFrance
<http://www.lemonde.fr/europeennes-france/>. »* M. Guénolé a conscience de
la difficulté à manier
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/manier/> ce sujet
:*« En politique, il faut toujours prendre en compte la pression de
l’opinion*.* C’est la raison pour laquelle une ouverture totale des
frontières conduirait inévitablement à réserver
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/r%C3%A9server/> les
allocations familiales, la couverture publique minimale de santé et l’école
publique gratuite à la population française. » *Non content d’être un des
­rares à « penser » la libre circulation, ce professionnel du conseil
politique va plus loin encore, estimant que le maniement d’une telle thèse
permettrait à* « une gauche audacieuse » *de réinvestir
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/deuxieme-groupe/r%C3%A9investir/> le
sujet des migrations.

*« Sans ce type d’approche, elle ne peut pas reprendre la main sur ce
sujet, sauf à finir
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/deuxieme-groupe/finir/> de
se couper
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/couper/> de ce
qui lui reste de sa base électorale traditionnelle, *affirme-t-il. *Plus
largement, tant que la gauche n’osera pasproposer
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/proposer/> une
régulation intelligente et rationnelle de l’immigration économique en
fonction de nos besoins, ce thème continuera à pousser
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/pousser/>l’électorat
populaire dans les bras du FN. »* Les analyses de M. Guénolé illustrent
pourquoi l’ouverture des frontières a tant de mal à entrer
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/entrer/> dans le
débat. Catherine Wihtol de Wenden, elle, reste philosophe : *« Sans doute
faudra-t-il attendre encore un peu, que l’opinion publique n’en puisse plus
de compter
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/compter/> les
milliers de morts aux portes de l’Europe, pour que le sujet se fasse une
petite place dans le débat »,* observe-t-elle. Depuis seize ans déjà
qu’elle porte ce projet <http://www.lemonde.fr/projet/>, elle a appris la
patience.



*Changer le monde : c’est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival
<http://abonnes.lemonde.fr/festival/> qui a lieu les 25, 26 et 27 septembre
à Paris avec Thomas Piketty, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Matthieu
Ricard, Evgeny Morozov, Jordi Savall… Comment réguler
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/r%C3%A9guler/>
Internet
? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la
civilisation numérique ? La musique peut-elle changer
<http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/changer/> le
monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival
<http://abonnes.lemonde.fr/festival/programmation.html>.*
Par Maryline Baumard
<http://www.lemonde.fr/journaliste/maryline-baumard/> (pour
le supplément "Culture & idées")

<http://www.lemonde.fr/festival/>


CHERBIB Mouhieddine
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00 216 23 02 18 02


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