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ALGÉRIE. Mort, aprèsgrève de la faim, du journaliste Mohammed Tamalt

from Tewfik Allal on Dec 13, 2016 11:41 AM
Bonjour,
Pour information, ces posts respectifs du journaliste Chawki Amari et de l'éditeur Arezki Aït-Larbi à propos des circonstances de la mort du journaliste Mohammed Tamalt.
Tewfik Allal 

Chawki Amari
TAMALT  ET LA JUSTICE ALGERIENNE
Beaucoup de choses ont été dites, voici un récapitulatif de cette triste affaire qui a conduit un homme en prison, puis à la mort. 

Arrêté le 27 juin 2016 à l’aéroport d’Alger pour offense au président en vertu de l’article 144 bis et 146 à travers des écrits publiés via son compte Facebook le 21, 22 et 23 juin, aujourd’hui effacés, Mohamed Tamalt est incarcéré dans une caserne du DRS pour subir un long interrogatoire, alors qu’à l’époque, ce département avait été officiellement dissous par un décret du président en janvier 2016, 3 ans après avoir dissous le service de police judiciaire de ce même département. 

Sans mandat d’arrêt officiel de la justice algérienne, c’est ainsi que Tamalt est rentré de Londres, où il vivait et détenait la nationalité britannique, après y avoir fait des études. D’autant que selon Saad Bouokba, chroniqueur journaliste et collègue de Tamalt à El Khabar, c’est par l’intermédiaire du député islamiste Hassan Laribi, autre pourfendeur du frère du président Bouteflika, que Tamalt est rassuré sur son arrivée à Alger, avec les garanties de Sellal lui-même, toujours selon Bouokba. 

Talmat n’est donc pas interpellé suite à un mandat émis par un juge d’instruction mais par la prérogative seule du DRS. Mais suite à l’autosaisie du Parquet, venant « légaliser » une procédure arbitraire, il est placé en détention préventive à la prison d’El Harrach le 28 juin, et présenté devant un tribunal une semaine après, le 4 juillet, alors que ses avocats se retirent pour protester contre cette détention provisoire qu’ils jugent illégale et la présence du DRS dans l’acte d’accusation. Tamalt proteste aussi et entame une grève de la faim, annonçant à la juge, Fatiha Belhaloui : « Je vous tiens responsable de tout ce qui peut m’arriver en prison. » Après quelques hésitations de la juge, Tamalt est mis en cause pour « propos insultants et outrageants à l’égard du président de la République, du Premier ministre, son épouse et sa fille, du ministre de la Défense nationale, de la ministre de l’Artisanat, du commandant de la 4e Région militaire, le général Abderrazak et son fils. »

La pièce à conviction, un poème pamphlétaire publié sur son compte Facebook, dont Tamalt exhibe l’origine, deux pages manuscrites écrites 3 mois avant, où il met en cause le président, traité de « maudit » et de « fraudeur » (par sa victoire aux élections), entre autres noms offensants, son frère, la femme du premier ministre Sellal, qui a obtenu des privilèges à Tamanrasset, ainsi que sa fille, d'autres personnalités et deux enfants de généraux en fonction, qui jouissent de l’impunité totale pour leurs actes dont Tamalt endosse la responsabilité à leurs pères. 

Toujours en grève de la faim, il retourne en prison et le 11 juillet, est condamné à 2 ans de prison ferme, non plus sur la base des articles 144 bis et 146 bis qui ne comportent pas de peines de prison et seulement des amendes, mais sur la base de l’article 144 qui stipule que « Est puni de 2 mois à 2 ans et d’une amende de 1000 DA à 500 000 DA, ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque, dans l’intention de porter atteinte à leur honneur, à leur délicatesse ou au respect dû à leur autorité, outrage dans l’exercice de leurs fonctions ou à l’occasion de cet exercice, un magistrat, un fonctionnaire, un officier public, un commandant, ou un agent de la force publique, soit par paroles, gestes, menaces, envoi ou remise d’objet quelconque, soit par écrit ou dessin non rendu public. »

L’accusation ayant changé en cours, il aura donc eu la peine maximale prévue, assorti d’une amende de 200.000 dinars. Il est transféré à la prison de Koléa où il poursuit sa grève de la faim en chaise roulante. Son frère le voit et affirme qu’il a été battu, des points de sutures et des hématomes étant visibles sur son crane. Diabétique, Tamalt tombe en hypoglycémie et ses avocats déposent plainte contre le directeur de la prison de Koléa. Son procès en appel le 8 août confirme le premier jugement, le 20 août, il est transféré à l’hôpital de Koléa, dans le coma. 

Il est ensuite transféré à l’hôpital Debaghine de Bab El Oued  et la direction des prisons et de la rééducation annonce qu’après analyses, « Tamalt a été victime d’un AVC , ce qui a nécessité une intervention chirurgicale en urgence », alors qu’un AVC n’est pas opérable, et que des coups portés à la tête peuvent provoquer un AVC, suivi d’un coma. 

Tamalt reprend conscience début décembre à Bab El Oued mais est à nouveau victime de complications alors que sa famille ainsi que ses avocats ne sont pas autorisés à le voir, malgré de multiples demandes et procédures auprès de la justice. Tamalt est toujours dans le coma à l’hôpital et son frère reçoit enfin un permis de visite, la veille de sa mort, le 11 décembre, le lendemain de la journée internationale des droits de l’homme. 

Il sera enterré après l’autopsie décidée par le procureur de Koléa théoriquement non compétent puisque le décès a eu lieu à Bab El Oued et dépend en fait du procureur de Bab El Oued. Le médecin légiste de l’hôpital Debaghine conclura à un décès suite à une inflammation pulmonaire et n’évoquera pas de points de suture ou de coups portés à la tête, ne liera pas cette complication et cet « AVC » à de quelconques sévices mais à sa grève de la faim et son diabète. 

A 42 ans, Tamalt est mort, pour ses pamphlets contre les dignitaires du régime et leurs familles, certes offensants mais qui ne méritent pas la prison, et encore moins la mort, le pamphlet étant un genre littéraire reconnu. Ceux qui ont concouru à sa mort sont désormais identifiés. Du sommet de l’Etat aux polices parallèles et des institutions officielles aux petits fonctionnaires. 

Notes : 
Bouokba et El Khabar sur l’affaire Talmat : 
http://www.elkhabar.com/press/article/115666/%D8%A7%D9%84%D8%AD%D8%B8%D8%B1-%D9%88%D8%A7%D9%84%D9%85%D8%AD%D8%B8%D9%88%D8%B1/#sthash.v4SiyHmt.dpbs

CELLULE 144 (article paru dans El Watan le  9 août 2016
https://www.facebook.com/497977740232249/photos/pb.497977740232249.-2207520000.1471167942./1362197513810263/?type=3

PS : On retiendra que même pour un dessin non rendu public, les juristes ont prévu de la prison dans le cadre de l’article 144. Ce qui ne s’est jamais vu dans le monde. Pour un dessin caché dans sa maison, on peut aller en prison et même y mourir.

Arezki Aït-Larbi
> "La légitime émotion soulevée par la mort suspecte de Mohamed Tamalt a mobilisé, sur les réseaux sociaux, les inévitables commissaires politique qui tentent de faire diversion. 
> Qu'on ne se trompe pas de débat ! Il ne s'agit pas de juger de l'éthique du journaliste, ni d'apprécier la peine qui lui a été infligée. Mais de s'interroger sur la mort - suspecte - d'un prisonnier. 
> Laisser mourir un détenu en grève de la faim relève de la non assistance à personne en danger. Mais lorsqu'on apprend que ses avocats avaient déposé plainte, en octobre dernier, contre le directeur de la prison de Koléa, suite au constat, par le frère de Mohamed Tamalt, de blessures sur la tête du détenu, il s'agit bien d'une présomption de  meurtre que seule une enquête impartiale pourra élucider. 
> Quelles suites ont été données à la plainte des avocats de Mohamed Tamalt ?
> Par le passé, des meurtres de prisonniers suite aux violences de leurs geôliers, ont été déguisés en accident ou en suicide. Il s'est trouvé des médecins pour établir des certificats médicaux de complaisance et des magistrats pour donner un caractère légal à un crime déguisé, et classer le dossier. Des faits documentés ont été portés à la connaissance du ministère de la Justice. Sans suite. 
> Est-ce le retour vers les années de plomb ?
> La mort suspecte de Mohamed Tamalt ne concerne pas les seuls journalistes. Elle interpelle la conscience de chaque citoyen.  
> Une enquête indépendante et impartiale s'impose pour établir la vérité."



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