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En Tunisie, des forces « indépendantes » émergent des élections municipales

from Mouhieddine Cherbib on May 10, 2018 09:53 AM
*.....« états généraux »* des listes indépendantes pour *« partager
*[leurs]* expériences
municipales »,* un réseau en germe qui pourrait former *« un embryon de
Podemos à l’échelle tunisienne ».*
En Tunisie, des forces « indépendantes » émergent des élections municipales

Selon les résultats définitifs du scrutin du 6 mai, le parti islamiste
Ennahda arrive en tête devant Nidaa Tounès tandis qu’un tiers des votants a
plébiscité les diverses listes « indépendantes ».

Par Frédéric Bobin
<http://abonnes.lemonde.fr/journaliste/frederic-bobin/> (Tunis,
correspondant)

LE MONDE Le 10.05.2018 à 01h42 • Mis à jour le 10.05.2018 à 01h57

e:
http://img.lemde.fr/2018/05/09/0/0/4096/2720/768/0/60/0/26772ec_30764-v9p2r.yt0h6.jpg
[image: Dans un centre de dépouillement de l’Ariana, en banlieue de Tunis,
le 7 mai 2018, au lendemain du premier scrutin municipal depuis la
révolution de 2011 en Tunisie.]

Il aurait dû être comblé, radieux, extatique. Il est heureux, bien sûr, et
pourtant Slim Meherzi trahit déjà une légère inquiétude face à la tâche qui
s’annonce. Le voilà qui grogne devant le garçon de café qui veut lui offrir
sa consommation, geste d’admiration d’un citoyen de La Marsa pour le futur
maire. *« Non, ce n’est pas possible, surtout pas de faveurs »,* peste ce
grand échalas – il fut naguère un champion de volley-ball. Dans cette
commune balnéaire du nord de Tunis, Slim Meherzi a fait campagne pour les
élections municipales du 6 mai sur le rejet des *« passe-droits » *et
du *« deux
poids, deux mesures ».* Alors, maintenant que sa liste indépendante a créé
la surprise en raflant 35 % des suffrages, le plaçant en bonne position
pour diriger la mairie, il ne va pas commencer à se renier. Et il devine
déjà à la soudaine obséquiosité dont on l’entoure que les sollicitations ne
manqueront pas. Il soupire : *« La course aux postes, ça détruit ce pays. »*

Lire aussi :   En Tunisie, la transition démocratique brouillée par
l’abstention lors des municipales
<http://abonnes.lemonde.fr/international/article/2018/05/06/en-tunisie-la-transition-democratique-brouillee-par-l-absention-lors-du-scrutin-municipal_5295154_3210.html>

Médecin pédiatre, M. Meherzi est l’un des visages de la vague protestataire
qui a ébranlé la Tunisie à l’occasion de ce scrutin local, le premier
depuis la révolution de 2011. Selon les résultats officiels annoncés,
mercredi 9 mai à Tunis, par l’Instance supérieure indépendante pour les
élections (ISIE), la participation à ce vote voué à enraciner la transition
démocratique n’a été que de 33,7 %. Exceptionnellement bas, ce taux
illustre la profonde défiance des Tunisiens à l’égard de l’offre politique
existante. Le chiffre était deux fois supérieur lors des élections
législatives et présidentielle de 2014.
Désaffection pour les partis traditionnels

Et le désaveu ne s’arrête pas là. Parmi les suffrages exprimés, les listes
dites « indépendantes », émanant de la frange la plus engagée de la société
civile, réalisent une percée avec un score agrégé de 32,9 %, soit un tiers
de votants. Elles mettent sévèrement à mal l’hégémonie qu’exerçaient depuis
2014 dans le champ politique Ennahda et Nidaa Tounès. Fait impensable il y
a encore quelques semaines, elles surclassent Ennahda, issu de la matrice
islamiste et doté d’une machine militante disciplinée, qui recueille 29,
68 % des voix. Et elles devancent très largement - de dix points ! - Nidaa
Tounès, le parti dominant au sein de la coalition gouvernementale, qui
chute à 22,7 %, soit un recul de près de 15 points par rapport à son score
en tête du premier tour des élections législatives de 2014.

Lire aussi :   A Monastir, la candidature d’un juif tunisien sur une liste
islamiste enfièvre les municipales
<http://abonnes.lemonde.fr/afrique/article/2018/03/16/a-monastir-la-candidature-d-un-juif-tunisien-sur-une-liste-islamiste-enfievre-les-elections-municipales_5272138_3212.html>

Ainsi Ennahda résiste-t-il bien mieux que Nidaa Tounès à la désaffection
qui frappe les partis traditionnels, prenant de ce fait la première
position parmi les listes dites « partisanes » à l’échelle nationale, ainsi
que sur la commune de Tunis. Au sein du conseil municipal de la capitale,
la rivalité pour l’élection du maire s’annonce âpre entre les deux
formations, pourtant alliées dans le cadre de la coalition gouvernementale.
Elles s’étaient violemment affrontées au lendemain de la révolution de 2011
sur la question de l’islam politique – Nidaa Tounès se posant en protecteur
de l’« Etat civil » face aux penchants islamistes d’Ennahda – avant de
s’associer au pouvoir en 2015 dans une cohabitation consensuelle. Le
scrutin municipal du 6 mai pourrait crisper à nouveau leur relation, alors
que se profilent en 2019 des élections législatives et présidentielle.

Toutefois, la politique tunisienne ne se résume plus à ce face-à-face. Car
l’émergence des listes indépendantes change la donne. *« Les résultats
montrent une profonde aversion, un dégoût pour les partis »,* souligne
Fadhel Moussa, autre héraut du phénomène – aux côtés de Slim Meherzi. Ce
professeur de droit, ancien militant de gauche, a mené une liste à
l’Ariana, en banlieue de Tunis, elle aussi arrivée en tête. Que faire
maintenant de ces succès ? Peuvent-ils poser, au-delà des microcosmes
municipaux, les bases d’une force alternative à l’échelle nationale ?
Fadhel Moussa met en garde contre des conclusions hâtives. A ses yeux, il
faut d’abord prendre la mesure réelle du phénomène, qui lui semble
d’une *« grande
complexité ».*

image:
http://img.lemde.fr/2018/05/09/0/0/781/682/768/0/60/0/0fd305b_30706-1lyzzni.t5b3f.JPG
[image: Les listes indépendantes menées par Slim Meherzi (à gauche) et
Fadhel Moussa (à droite) sont arrivées en tête respectivement à La Marsa et
à l’Ariana, près de Tunis, à l’issue du scrutin municipal du 6 mai 2018.]

*« On ne va pas tarder à se rendre compte,* nuance-t-il,* que de nombreux
indépendants ne sont pas aussi indépendants qu’on le pensait. »* En effet,
une grosse part de ces candidats sont pilotés en sous-main par les partis
traditionnels qui ont préféré, dans certains cas, avancer masqués. Quant
aux « vrais » indépendants, aucune structure ni idéologie ne les
rassemblent à ce stade, rendant a priori délicate leur agrégation dans une
dynamique commune. Autre difficulté, éthique celle-là, le mandat conféré le
6 mai est purement local. *« Il y aurait un malaise à changer subitement de
cap »,* avertit Fadhel Moussa. *« Nous avons été élus pour gérer le
quotidien des gens*, abonde Slim Meherzi, *faisons-le bien pour commencer.
On sera vite exposés à un bilan. »*
« Restructuration par le bas »

Il reste néanmoins qu’une nouvelle scène s’est ouverte. *« On peut casser
la baraque si nous parvenons à donner envie à nos concitoyens de
s’approprier la ville, *ajoute M. Meherzi*. Cela peut faire boule de
neige. »* Le pédiatre de La Marsa imagine volontiers la tenue
régulière d’*« états
généraux »* des listes indépendantes pour *« partager *[leurs]* expériences
municipales »,* un réseau en germe qui pourrait former *« un embryon de
Podemos à l’échelle tunisienne ».*

Lire aussi :   « La Tunisie a besoin de renforcer son consensus politique
et de l’élargir au domaine économique »
<http://abonnes.lemonde.fr/afrique/article/2018/05/07/la-tunisie-a-besoin-de-renforcer-son-consensus-politique-et-de-l-elargir-au-domaine-economique_5295542_3212.html>

Même pressentiment chez Fadhel Moussa. *« On est en train de faire une
restructuration par le bas », *qui pourrait déboucher sur *« un grand
mouvement citoyen »,* juge-t-il, précisant même : *« Il y a un début de
réflexion. »* Le professeur de droit, qui fut élu à l’Assemblée
constituante (2011-2014), est convaincu que la Tunisie a vécu le 6 mai un
tournant. *« Une brèche vient de s’ouvrir, il faut s’y engouffrer. Ces
élections municipales vont offrir un nouveau souffle à la transition
démocratique. »* Là serait l’ambiguïté foncière de ce scrutin, à la fois
révélateur d’une désaffection et porteur d’un espoir de renouveau.

En savoir plus sur
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/05/10/en-tunisie-des-forces-independantes-emergent-des-elections-municipales_5296872_3212.html#R0zl5tXcZE1px6c6.99

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Cherbib Mouhieddine
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