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Re: [Collectif-cedetim] "Islam: reconquérir les territoires de la raison" (Mediapart 19.2.20)

from gustave massiah on Feb 20, 2020 12:23 AM

Le 19/02/2020 à 21:24, François Gèze a écrit :
> Un texte salutaire, à faire circuler largement :
> https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/190220/islam-reconquerir-les-territoires-de-la-raison
>
> -- 
> François Gèze
> francoisgeze@...
> https://degooglisons-internet.org/fr/
>
>
>   Islam: reconquérir les territoires de la raison
>
>   * 19 févr. 2020
>   * Par Les invités de Mediapart
>     <https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart>
>   * Blog : Le blog de Les invités de Mediapart
>     <https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog>
>
> /Dans une actualité polarisée sur les enjeux d'intégrisme religieux, 
> un collectif d'universitaires et spécialistes de l'Islam alerte sur la 
> dangerosité des travaux de Gilles Kepel et Bernard Rougier, porteurs 
> d'une vision idéologique occultant les racines socioéconomiques du 
> salafisme. Ils appellent à fournir aux quartiers populaires incriminés 
> les moyens de «sortir de la stigmatisation et de l’enclavement» et à 
> cesser de faire d'une question sociale un enjeu strictement répressif. /
>
> Nous, signataires de cette tribune, travaillons directement ou 
> indirectement sur l’islam en France, en Europe et même au-delà 
> (Maghreb, Moyen-Orient, Afrique). Nous ne partageons pas 
> nécessairement les mêmes analyses, mais respectons la diversité des 
> points de vue, voire les divergences. C’est ainsi que nous pouvons 
> progresser, amender ou vérifier nos hypothèses. Nous ne pensons donc 
> pas que la polémique gratuite et les procès d’intention soient la 
> meilleure façon d’imposer notre point de vue.
>
> Or, dans plusieurs articles ou entretiens accordés à la presse, Gilles 
> Kepel et Bernard Rougier ont systématiquement pris le chemin de la 
> dénonciation, voire de l’intimidation et de l’injure pour manifester 
> leur désaccord avec ceux qu’ils désignent à la vindicte publique : 
> pour eux, quiconque n’adhère pas à leurs conclusions devient de facto 
> un collaborateur potentiel du jihadisme.
>
> Mais surtout, leur approche crée une image distordue de l’islam et des 
> musulmans en France. Elle fait de cette /« conquête des territoires »/ 
> <https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/280120/le-djihadisme-qui-vient> 
> (les banlieues populaires) par l’islamisme un projet orchestré et 
> importé de l’extérieur. Or, on est là à cent lieues des résultats 
> attestés par une écrasante majorité des recherches consacrées à ce sujet.
>
> Aucun d’entre nous ne nie le fait que certains jeunes issus des 
> quartiers populaires se replient sur eux-mêmes en épousant parfois le 
> salafisme, et pour une infime minorité le djihadisme ou encore, une 
> version “orthodoxe” de l’islam. Mais ce sont les racines sociales, 
> économiques et culturelles de ce repli sur une approche clivante de la 
> religion qu’il importe d’identifier, en en dénonçant les /causes/ et 
> non les /expressions/. Ces racines ont pour nom la non-mixité sociale 
> des quartiers, l’enclavement des « banlieues », la stigmatisation, le 
> chômage, et le recours à l’économie parallèle ainsi que l’humiliation 
> et le déni de citoyenneté. Ce repli est aussi une réaction à certaines 
> des politiques conduites par la France dans le monde musulman : qu’il 
> s’agisse, en particulier, de la question israélo-palestinienne, ou du 
> traitement très sélectif des dérives autocratiques, selon qu’elle 
> soient égyptienne ou turque, notamment.
>
> Quant à proclamer l’existence d’un projet hégémonique des “islamistes” 
> – terme sous lequel sont amalgamés des vendeurs de kebab, des imams de 
> toutes sensibilités et jusqu’aux associations citoyennes dénonçant ces 
> amalgames (CCIF et d’autres), et en faire un terreau unique pour le 
> jihadisme, cela relève des théories du complot. La seule attitude 
> légitime vis-à-vis de musulmans qui seraient tous vêtus de la même 
> étoffe antirépublicaine, serait celle de la répression. Ces théories 
> reçoivent, hélas, le soutien d’une grande partie des médias qui se 
> disputent en majorité l’électorat d’extrême-droite et transforment ces 
> dévoiements évidents de la recherche en autant de best-sellers.
>
> Dans /Terreur dans l’Hexagone : genèse du djihad français/ 
> <http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Hors-serie-Connaissance/Terreur-dans-l-Hexagone> 
> Gilles Kepel a soutenu des points de vue qui divergent de ceux de la 
> quasi-totalité des chercheurs aussi bien dans la sphère anglophone que 
> francophone. Sa vision idéologique, très proche du sens commun, 
> construite sur un usage particulièrement sélectif et partisan des 
> données, n’est destinée qu’à confirmer ses thèses. Ainsi de sa 
> conception des émeutes de 2005 dans les banlieues inspirées selon lui 
> "par les islamistes" alors que la quasi-totalité des sociologues a 
> qualifié cette mobilisation de non-religieuse. Il s’appuie pour cela 
> sur le seul cas d’une mosquée atteinte par un projectile, et d’où 
> serait partie la mobilisation toute entière. On pourrait multiplier 
> les exemples. Méprisant la prudence propre aux scientifiques, la 
> presse à sensation a cherché enfermer les chercheurs dans 
> l’alternative : ou bien la radicalisation de l’islam (thèse de G. 
> Kepel et de B. Rougier), ou bien l’islamisation de la radicalité 
> (thèse d’Olivier Roy <http://www.seuil.com/auteur/olivier-roy/5512>). 
> Or la réalité sociologique montre que les deux interagissent, le même 
> individu passant de l’un à l’autre selon le moment de sa vie.
>
> Les descriptions de B. Rougier dans /Les territoires conquis de 
> l’islamisme/ 
> <https://www.puf.com/content/Les_territoires_conquis_de_lislamisme> 
> vont, elles aussi, dans le sens de la théorie du complot islamiste. 
> Les musulmans de diverses obédiences, unifiés dans une alliance « 
> salafo-frériste » (Frères musulmans) secondée par d’autres tendances 
> comme le Tabligh visent, selon lui à conquérir un nombre croissant de 
> territoires, et à expulser de la République des banlieues de plus en 
> plus « islamisées », comme en un projet sectaire cohérent et 
> englobant. Dans un éditorial du 16 janvier 2020 
> <https://www.lefigaro.fr/vox/societe/la-querelle-du-djihad-suite-et-fin-20200116>, 
> Le Figaro croit pouvoir annoncer /« la victoire du chercheur Gilles 
> Kepel dans la controverse qui l’oppose à son confrère, Olivier Roy. Le 
> salafisme est bien l’antichambre du djihadisme.»/
>
> Or les faits constatés sur le terrain par les chercheurs sont tout 
> autres. Dans la grande majorité des cas (dans les Quartiers Nord de 
> Marseille, mais aussi dans de nombreuses autres cités), au lieu de 
> favoriser le jihadisme, le salafisme, certes en désocialisant ses 
> adeptes, lui barre le chemin. Le salafisme refuse la société de 
> consommation, car ses adeptes, pour la plupart originaires des 
> quartiers pauvres et démunis n’ont matériellement pas la possibilité 
> d’y accéder (même si une petite minorité use des portables high tech, 
> la grande majorité appartient au monde des précaires ou des exclus). 
> Il « sectarise » ceux qui se trouvent déjà dans des quartiers 
> enclavés. Il claquemure ceux qui sont déjà emmurés dans des cités sans 
> mixité sociale.
>
> Bref, le salafisme a des racines socio-économiques. B. Rougier refuse 
> de les voir, dénonçant l’hégémonie de l’islamisme là où il faudrait 
> plutôt se scandaliser de l’absence d’intégration sociale de ceux 
> auxquels nul avenir digne de ce nom n’est proposé. Or, les solutions 
> crédibles à ce retrait de la société passent non par la répression 
> mais par la prise en charge de ces quartiers, comme celle que le plan 
> Borloo 
> <https://www.mediapart.fr/journal/france/260418/banlieues-ce-que-dit-le-rapport-borloo?onglet=full> 
> avait préconisée.
>
> Car nul ne nie l’existence, dans certains quartiers de France, de 
> problèmes sociaux à connotation religieuse. Mais pour « reconquérir » 
> ces territoires dits perdus, et « conquis » par les soi-disant 
> islamistes, il faudrait que ces quartiers gagnent en dignité sociale, 
> que les moyens leur soient fournis de sortir de la stigmatisation, de 
> l’exclusion et de l’enclavement, que la mixité sociale y soit 
> restaurée, et que surtout, l’on cesse de se complaire dans la 
> recherche de solutions purement répressives quand la question est 
> éminemment sociale. La thèse de G. Kepel et de B. Rougier occulte la 
> nature du problème en donnant un vernis de scientificité à une vision 
> idéologique, dédaigneuse de la complexité du réel, qui apporte 
> seulement de l’eau au moulin de l’extrême-droite. En réduisant les 
> banlieues à une seule dimension « islamiste », ils ignorent 
> l’opposition de la grande majorité des français de confession 
> musulmane à l’usage de la violence politique, tout comme ils taisent 
> le véritable dynamisme associatif des quartiers populaires. Tandis que 
> bien des acteurs de ces quartiers essayent de recréer du lien social, 
> ils portent le discours de la guerre de tous contre tous.
>
> Premiers signataires :
>
> Claire *Beaugrand*, Chargé de recherche au CNRS
> Alain *Bertho*, Professeur d'Anthropologie à Paris 8
> François *Burgat*, Directeur de recherche émérite au CNRS
> Sonia *Dayan* *Herzbrun*, sociologue, Professeure émérite à 
> l’Université de Paris
> Christine *Delphy*, Directeur de recherche retraitée, CNRS
> Sylvie *Denoix*, Directeur de recherche au CNRS
> Karima *Direche*, Directeur de recherche au CNRS
> Nicolas *Dot-Pouillard*, Chercheur en sciences politiques Beyrouth
> Jérôme *Ferret*, Maître de conférences en sociologie HDR, Université 
> Toulouse Capitole
> Alain *Gabon*, Professeur associé Virginia Wesleyan University.
> Alain *Gresh*, Directeur du site Orient 21
> Vincent *Geisser, *Chargé de recherche au CNRS
> Aïssa *Kadri*, Professeur émérite de Sociologie à Paris 8
> Farhad *Khoskhokhavar*, DE retraité à l’EHESS, Paris
> Michel *Kokoreff*, Professeur de sociologie, Université Paris 8
> Stéphanie *Latte* *Abdallah*, Chargé de recherche au CNRS
> Raphaël *Liogier*, Professeur des universités, Sciences Po Aix-en-Provence
> Bjorn Olav *Utvik*, Professeur à l'Université d’Oslo
> Matthieu *Rey*, Chargé de recherche au CNRS
> Marc *Sageman*, consultant anti-terroriste
> Fabien *Truong*, professeur agrégé, département de Sociologie et 
> d’Anthropologie de Paris 8 
> <http://www2.univ-paris8.fr/sociologie/?page_id=2866>.
>
>
>
> _______________________________________________
> Collectif-cedetim mailing list
> Collectif-cedetim@...
> https://reseau-ipam.org/cgi-bin/mailman/listinfo/collectif-cedetim


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