Migrations : une révolution à venir
from
gustave massiah
on Jun 12, 2022 06:28 PM
*Great transition network*
*June discussion : The population debate revisited*
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*Les migrations, une révolution à venir*
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gustave massiah
11-06-2022
J’apprécie beaucoup la décision de Paul Raskin de consacrer un débat à
la question de la population mondiale en lien avec la question
environnementale. Je voudrais mettre l’accent sur une question centrale
directement liée à la question de la population mondiale ; il s’agit de
la question des migrations. Il me paraît en effet que nous sommes dans
une période de bifurcation dans l’histoire longue des migrations.
L’Histoire des migrations se confond avec l’Histoire de l’Humanité.
Elles s’inscrivent dans le temps long et structurant de l’histoire
humaine. Cette histoire a commencé en Afrique à partir des migrations
des Néanderthaliens et de l’Homo Sapiens. Les migrants ne sont pas des
intrus ; ils sont partie prenante de l’histoire de chaque société. Les
migrations marquent l’imaginaire de notre monde : citons parmi d’autres
le nomadisme, la sédentarisation avec la maîtrise de l’agriculture,
l’exil, les colonisations, les diasporas, l’exode rural.
Les migrations, avec l’industrialisation et l’urbanisation font partie
des questions stratégiques du peuplement de la planète. Il faut revenir
sur la question du peuplement. La crainte de l’explosion démographique a
marqué les dernières cinquante dernières années. Depuis le rapport du
club de Rome en 1970, la prise de conscience des limites écologiques a
fait exploser la conception du développement.
Dans l’histoire du capitalisme, il reste encore les traces profondes de
l’esclavage et de la colonisation. Aujourd’hui, avec la mondialisation
capitaliste dans sa phase néolibérale, on peut définir trois formes
importantes de migration. Les migrations économiques caractérisées par
la différence des situations qu’on peut définir pour simplifier par
l’impérialisme et le néocolonialisme. Comme l’exprimait très bien Alfred
Sauvy dès 1950, « si les richesses sont au Nord et que les hommes sont
au Sud, les hommes iront là où sont les richesses et vous ne pourrez
rien faire pour les en empêcher ». Les migrations politiques résultent
des guerres et des conflits et se traduisent par des déplacements de
réfugiés. Les migrations environnementales qui commencent vont
bouleverser les équilibres de la population mondiale.
Nous vivons une période de profonde rupture marquée par la succession
des crises. La crise financière commencée avec les subprimes en 2008 a
marqué le début de l’épuisement du néolibéralisme. Les politiques
austéritaires, combinant austérité et autoritarisme, ont mis à mal les
libertés sans renouveler le modèle économique. Les idéologies
identitaires et sécuritaires répondent à l’émergence des mouvement
sociaux porteurs de nouvelles radicalités : le féminisme, l’antiracisme
et les révoltes contre les discriminations, les peuples premiers, les
migrants et les diasporas. La prise de conscience de la crise écologique
d’approfondit, elle se combine avec la crise de la pandémie. Kyle Harper
rappelle que la chute de l’empire romain a été facilitée par la crise de
la pandémie, la rage, et le climat, un épisode glaciaire. C’est une
combinaison qui accompagne les crises de civilisation. La crise
s’accompagne d’une crise géopolitique, porteuse de multipolarité, qui
ranime les gesticulations militaires.
Dans le domaine des migrations, les ruptures sont considérables. Prenons
notamment la contradiction entre nomades et sédentaires qui a accompagné
l’histoire de l’humanité depuis l’invention de l’agriculture en
Mésopotamie. Nous vivons aujourd’hui le passage des populations
agricoles dans pratiquement tous les pays qui passent de la majorité de
la population à environ 5% de la population totale. Cette évolution va
bouleverser la situation et l’image même des migrants.
Il en est de même pour la notion des frontières. Dans l’histoire longue
des migrations, un changement important, entre le 17^ème et le 18^ème
siècle, avec le passage de l’Etat-Empire à l’Etat-Nation. Les
Etats-nations n’ont pas existé de tous temps et ne sont pas une forme
éternelle. L’identité nationale est d’invention récente ; comme le
disent si bien Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau, chaque individu a
des identités multiples ; il est réducteur et faux de vouloir le
rabattre à une seule identité, celle de l’identité nationale. La liberté
de circulation et la citoyenneté de résidence font partie des droits
émergents qui se renforceront dans l’avenir.
Les migrants sont déjà des acteurs de la transformation des sociétés et
du monde. Il y a quelques années, les flux financiers des migrants et
des diasporas, vers leurs pays d’origine, représentaient en 2021 630
milliards de dollars alors que l’ « aide » publique plafonnait à 179
milliards de dollars.
Acceptons l’hypothèse des deux démographes canadiens, Darrell Bricker et
John Ibbitson, qui analysent dans leur livre, la Planète vide, le choc
de la décroissance démographique mondiale. Ils remettent en cause les
prévisions des Nations Unies qui estiment que la population mondiale
passera se 7 à 11 milliards d’ici la fin du siècle avant de se
stabiliser. Ils estiment que le pic sera de 9 milliards entre 2040 et
2060. Et que la population sera en décroissance dans une trentaine de
pays en 2050 (contre une vingtaine aujourd’hui). Les taux de fécondité
ne sont pas astronomiques dans les pays en développement. Beaucoup sont
au taux de remplacement ou au-dessous. La raison en est de
l’émancipation des femmes qui explique que le taux de reproduction se
stabilise à 1,7 enfant par femme. Le vieillissement social devient un
problème essentiel. Les pays qui s’en sortiraient le mieux sont ceux
qui, à l’exemple du Canada qui compte 20% de personnes nées hors du
Canada, accepteraient culturellement la diversité et les migrants.