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Migrations : une révolution à venir

from gustave massiah on Jun 12, 2022 06:45 PM
*Great transition network*

*June discussion : The population debate revisited*

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*Les migrations, une révolution à venir*

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gustave massiah

11-06-2022

J’apprécie beaucoup la décision de Paul Raskin de consacrer un débat à 
la question de la population mondiale en lien avec la question 
environnementale. Je voudrais mettre l’accent sur une question centrale 
directement liée à la question de la population mondiale ; il s’agit de 
la question des migrations. Il me paraît en effet que nous sommes dans 
une période de bifurcation dans l’histoire longue des migrations.

L’Histoire des migrations se confond avec l’Histoire de l’Humanité. 
Elles s’inscrivent dans le temps long et structurant de l’histoire 
humaine. Cette histoire a commencé en Afrique à partir des migrations 
des Néanderthaliens et de l’Homo Sapiens. Les migrants ne sont pas des 
intrus ; ils sont partie prenante de l’histoire de chaque société. Les 
migrations marquent l’imaginaire de notre monde : citons parmi d’autres 
le nomadisme, la sédentarisation avec la maîtrise de l’agriculture, 
l’exil, les colonisations, les diasporas, l’exode rural.

Les migrations, avec l’industrialisation et l’urbanisation font partie 
des questions stratégiques du peuplement de la planète. Il faut revenir 
sur la question du peuplement. La crainte de l’explosion démographique a 
marqué les dernières cinquante dernières années. Depuis le rapport du 
club de Rome en 1970, la prise de conscience des limites écologiques a 
fait exploser la conception du développement.

Dans l’histoire du capitalisme, il reste encore les traces profondes de 
l’esclavage et de la colonisation. Aujourd’hui, avec la mondialisation 
capitaliste dans sa phase néolibérale, on peut définir trois formes 
importantes de migration. Les migrations économiques caractérisées par 
la différence des situations qu’on peut définir pour simplifier par 
l’impérialisme et le néocolonialisme. Comme l’exprimait très bien Alfred 
Sauvy dès 1950, « si les richesses sont au Nord et que les hommes sont 
au Sud, les hommes iront là où sont les richesses et vous ne pourrez 
rien faire pour les en empêcher ». Les migrations politiques résultent 
des guerres et des conflits et se traduisent par des déplacements de 
réfugiés. Les migrations environnementales qui commencent vont 
bouleverser les équilibres de la population mondiale.

Nous vivons une période de profonde rupture marquée par la succession 
des crises. La crise financière commencée avec les subprimes en 2008 a 
marqué le début de l’épuisement du néolibéralisme. Les politiques 
austéritaires, combinant austérité et autoritarisme, ont mis à mal les 
libertés sans renouveler le modèle économique. Les idéologies 
identitaires et sécuritaires répondent à l’émergence des mouvement 
sociaux porteurs de nouvelles radicalités : le féminisme, l’antiracisme 
et les révoltes contre les discriminations, les peuples premiers, les 
migrants et les diasporas. La prise de conscience de la crise écologique 
d’approfondit, elle se combine avec la crise de la pandémie. Kyle Harper 
rappelle que la chute de l’empire romain a été facilitée par la crise de 
la pandémie, la rage, et le climat, un épisode glaciaire. C’est une 
combinaison qui accompagne les crises de civilisation. La crise 
s’accompagne d’une crise géopolitique, porteuse de multipolarité, qui 
ranime les gesticulations militaires.

Dans le domaine des migrations, les ruptures sont considérables. Prenons 
notamment la contradiction entre nomades et sédentaires qui a accompagné 
l’histoire de l’humanité depuis l’invention de l’agriculture en 
Mésopotamie. Nous vivons aujourd’hui le passage des populations 
agricoles dans pratiquement tous les pays qui passent de la majorité de 
la population à environ 5% de la population totale. Cette évolution va 
bouleverser la situation et l’image même des migrants.

Il en est de même pour la notion des frontières. Dans l’histoire longue 
des migrations, un changement important, entre le 17^ème et le 18^ème 
siècle, avec le passage de l’Etat-Empire à l’Etat-Nation. Les 
Etats-nations n’ont pas existé de tous temps et ne sont pas une forme 
éternelle. L’identité nationale est d’invention récente ; comme le 
disent si bien Edouard Glissant et Patrick Chamoiseau, chaque individu a 
des identités multiples ; il est réducteur et faux de vouloir le 
rabattre à une seule identité, celle de l’identité nationale. La liberté 
de circulation et la citoyenneté de résidence font partie des droits 
émergents qui se renforceront dans l’avenir.

Les migrants sont déjà des acteurs de la transformation des sociétés et 
du monde. Il y a quelques années, les flux financiers des migrants et 
des diasporas, vers leurs pays d’origine, représentaient en 2021 630 
milliards de dollars alors que l’ « aide » publique plafonnait à 179 
milliards de dollars.

Acceptons l’hypothèse des deux démographes canadiens, Darrell Bricker et 
John Ibbitson, qui analysent dans leur livre, la Planète vide, le choc 
de la décroissance démographique mondiale. Ils remettent en cause les 
prévisions des Nations Unies qui estiment que la population mondiale 
passera se 7 à 11 milliards d’ici la fin du siècle avant de se 
stabiliser. Ils estiment que le pic sera de 9 milliards entre 2040 et 
2060. Et que la population sera en décroissance dans une trentaine de 
pays en 2050 (contre une vingtaine aujourd’hui). Les taux de fécondité 
ne sont pas astronomiques dans les pays en développement. Beaucoup sont 
au taux de remplacement ou au-dessous. La raison en est de 
l’émancipation des femmes qui explique que le taux de reproduction se 
stabilise à 1,7 enfant par femme. Le vieillissement social devient un 
problème essentiel. Les pays qui s’en sortiraient le mieux sont ceux 
qui, à l’exemple du Canada qui compte 20% de personnes nées hors du 
Canada, accepteraient culturellement la diversité et les migrants.

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