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Tunisie - Loi électorale Inique (Sana Ben Achour) - et décret Liberticide de Kais Saied

from Mouhieddine Cherbib on Sep 20, 2022 04:55 PM
*Chers-es amis-es*


*Bonjour*


*Merci de trouver ci-dessous 2 textes au sujet de 2 décrets présidentiels: *


*Le président tunisien Kais Saied vient de publier au journal officiel 2
décret-loi :*


*1 - N° 54 relatif à la lutte contre la Cybercriminalité.  (SNJT)*

*2 - N° 55 relatif à l'organisation des prochaines élections législatives
en décembre 2022. (Sana Ben Achour, juriste et féministe) *


*Amitiés Mouhieddine*

Tunis le : 19 septembre 2022

*Le Syndicat National des Journalistes Tunisiens appelle le Président de la
République à retirer le Décret n°54*

Le Syndicat national des journalistes tunisiens a suivi avec une grande
inquiétude la publication par la présidence de la République du décret n°
54 de 2022, relatif à la lutte contre les délits liés aux systèmes
d’information et de communication, qui prévoit des peines d’injonction
exagérées dans les affaires de publication et vise à restreindre davantage
la liberté d’expression et de la presse, sous prétexte de lutter contre les
rumeurs et les délits d’information.
Le Syndicat tient à préciser que cette loi comporte, outre les chapitres
relatifs à la lutte contre les délits des systèmes d’information et de
communication, de nombreuses peines d’injonction qui manquent de
proportionnalité entre l’acte et la peine, étant donné que les délits
d’édition ne peuvent être punis d’une peine d’emprisonnement de cinq ou dix
ans.
En outre, le décret comprend une approche stricte de diverses questions,
notamment l’expression et la publication sur les réseaux sociaux.
Ce décret contredit l’article 55 de la Constitution qui stipule que la
censure préalable ne doit pas être exercée, en légalisant les procédures
d’écoutes téléphoniques indiscriminées pour les citoyens et citoyennes. De
plus, les sanctions contenues dans ce texte manquent de principe de
proportionnalité et de hiérarchie, car la constitution stipule que toute
restriction des libertés doit être une nécessité imposée par l’État civil
et démocratique sans affecter l’essence des libertés, ce qui a été
complètement contournée dans ce décret. .
Au vu de tout ce qui précède, le Syndicat National des Journalistes
Tunisiens met en garde contre ce décret qui menace les garanties de la
liberté de la presse, d’expression et de publication, étant donné qu’il
interfère avec le décret 115 et donne à l’autorité un prétexte pour se
soustraire des décrets réglementant le secteur. Ce décret permet aussi de
poursuivre délibérément les journalistes en ayant recours à de nouvelles
lois arbitraires qui n’ont rien à voir avec la profession, notamment avec
la confusion volontaire adoptée dans ce décret entre les délits des
systèmes d’information et les problèmes de diffusion de fausses nouvelles,
alors que ce sont des domaines différents et sont censés être réglementés
par des lois particulières et précisément définies afin de ne pas porter
atteinte aux libertés.
Ce décret confirme l’orientation du pouvoir en Tunisie vers l’établissement
d’un système législatif et politique qui porte atteinte aux droits et
libertés et prive les citoyens de leur droit d’expression et de publication
en les menaçant d’emprisonnement à tout moment, d’autant plus que le
nouveau décret ne garantit aucun droit et n’a pas tenu compte des
nécessités de l’État démocratique civil selon la constitution.

Nous soulignons que l’autorité tunisienne a répandu des fausses nouvelles,
des rumeurs, a obscurci des faits, et a même été impliquée dans la
diffusion délibérée de fausses nouvelles ou des nouvelles ciblées, dans le
but d’orienter et de distraire l’opinion publique, ce qui en fait la
première à devoir rendre des comptes de tout ce qui se commet au quotidien
contre le citoyen, comme taire les nouvelles ou en répandre de fausses
concernant la vie des citoyens et citoyennes.
Le Syndicat National des Journalistes Tunisiens appelle le Président de la
République à retirer ce décret pour violation de la constitution et des
obligations internationales de la Tunisie et pour violation des normes de
la liberté de la presse et d’expression, des droits de l’homme et du
principe de proportionnalité du crime avec la peine. Le Syndicat se réserve
le droit de recourir à la justice administrative pour la contester.





*Pour le Bureau ExécutifLe PrésidentMohamed Yassine Jlassi*
______

Tunis le 19/09/2022

*LA LOI DE L'INIQUITÉ*


Ayant pris le temps de lire plus attentivement le décret-loi n° 55 du 15
septembre 2022 portant modification et complément de la loi organique
2014-16 du 26 mai 2014 sur les élections et référendums, je ne peux
qu’exprimer ma profonde consternation face aux graves atteintes qu’il porte
aux standards démocratiques qui régissent l’opération électorale et aux
droits des citoyennes et des citoyens de participer pleinement et sans
exclusive à la vie politique et démocratique de leur nation.

Ce texte, inscrit dans la continuité du processus absolutiste du 25 juillet
2021 sur la base des pouvoirs spéciaux que le chef de l’Etat s’est octroyé
par renversement de l’ordre constitutionnel régulier, confirme mes
inquiétudes sur la mise sous tutelle du pays et la volonté de transformer
sa vie publique en autocratie.

Après une première séquence de transformation de l’édifice par le sommet de
l’Etat et par concentration des pouvoirs aux mains d’un chef au dessus des
lois ( le processus mené tambour battant jusqu'au référendum du 25 juillet
2022) , nous assistons, avec ce texte, à la deuxième séquence du projet de
chamboulement du système par la base. Il consiste en l'implémentation du
schéma prédit en 2019 par fragmentation de la souveraineté et
communautarisation de la vie publique.

Un coup fatal est porté par ce dispositif à la représentation nationale, à
la souveraineté populaire et à la citoyenneté. L’idée même d’une nation
tunisienne solidaire est en perdition sous la menace tant de l’article 5 de
la constitution sur le rattachement de la Tunisie à la OUMMA islamique que
des nouvelles dispositions électorales. Si par principe démocratique il est
bon de soutenir la participation des sociétés locales, la représentation
des territoires, la génération de nouveaux comportements politiques et
l’émergence de nouvelles élites, je déplore fortement les choix imposés sur
le mandat impératif, le scrutin uninominal, la répartition des sièges sur
la base d’un candidat par délégation, les parrainages, le retrait du
mandat, le financement et l’autofinancement privé de la campagne. Le texte
sonne le glas au politique, privatise l’opération électorale et remet en
cause la représentation de la collectivité nationale en tant qu’entité
politique formant le « peuple souverain » au nom duquel parle Kais Saied et
qu’il a fini par capter et incarner sous la figure populiste de «
l’homme-peuple ». Ces dispositifs combinés aboutissent à la négation de
toute représentation populaire et à l’effritement de la souveraineté
nationale en autant de délégations territoriales où chaque député est
simple mandataire-oukil (délégué) de sa localité et de ses intérêts propres.

Contrairement à son appellation, la future ARP ne sera pas une Assemblée
des représentant-e-s du peuple, mais une sorte de cénacle discriminatoire à
dominante masculine, composé d’une classe d'hommes tunisiens par exclusive,
notables de leurs localités, éventuels otages des affinités traditionnelles
et des 400 parrainages, placés sous la menace permanente d’une motion de
défiance d'un groupe local adverse : Le retrait du mandat pouvant être
actionné contre le "délégué" pour des motifs aussi équivoques que le «
manquement à son devoir d'intégrité ou à ses fonctions parlementaires ou
pour défaut de diligence pour réaliser son programme."

Le "parrainage" (tazkiya) des femmes à moitié avec les hommes est une
véritable exaction contre les acquis de la parité verticale et horizontale,
un coup porté aux combats des féministes pour la citoyenneté pleine et
entière et la participation à la vie publique. Ce parrainage, on l'a
compris, ne prélude pas d'une parité de candidature, ni ne compense les
inégalités de sexe que le scrutin uninominal induit par « tamisage » au
profit des hommes, selon le modèle prégnant du genre et des rapports
sociaux de sexe. Les femmes marrainent et ne gouvernent pas!

Autre iniquité, l'exclusion des binationaux de toute candidature
intérieure. C'est véritablement un motif de révulsion tant elle est
attentatoire à l’égale citoyenneté de tout national quelque soit ses autres
attaches. La diversité ne relâche pas le lien de citoyenneté, lien
indéfectible du seul fait de la nationalité. Cette exception ou réserve
véhicule une vision rétrograde. Elle rejoint par son caractère “fascisant”,
le discours d’exclusive sociale de l’extrême droite sur la base des
“puretés nationales”. Le devoir élémentaire et fondamental d’un Etat est de
traiter ses citoyens et ses citoyennes où ils se trouvent, sur un pied
d’égalité, sans exclusive ou discrimination aucune.

Je ne reviendrai pas sur le grand “récit” dans lequel l’on a enrobé les
pouvoirs exceptionnels du chef, ni sur le “mythe” des prétendues réformes
de la décennie noire : l’idée de débarrasser le paysage politique de partis
prédateurs, travaillant pour eux et pour leurs intérêts et distribuant
entre eux les prébendes ; la fin de la démocratie représentative et son
remplacement par LA seule, la VRAIE démocratie locale de base ; sur les
méfaits de la proportionnelle en raison de la mosaïque qu'elle traduit et
sa substitution par l’uninominal

Tout cela n’est que mystification du nouveau paradigme institutionnel : la
parcellisation locale de base dans le grand tout communautaire de l’Etat
islamique.


Sana ben Achour.

Juriste, féministe

-- 
Cherbib Mouhieddine
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0021658710280

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